Réduire les déchets à la source ou comment passer au zero waste
À l’« ère du Poubellocène », les Français ne veulent plus se contenter de bien trier leurs déchets. Désormais, ils souhaitent les réduire à la source en s’engageant dans la démarche « Zéro déchet, zéro gaspillage ».
En quête de sens, de plus en plus de Français questionnent leurs façons de consommer. Et in fine s’interrogent sur leurs déchets, les poubelles étant devenues le symbole de la surconsommation. Bienvenue dans l’« ère du Poubellocène », pour reprendre l’expression de Baptiste Monsaingeon, auteur de Homo Detritus (éditions du Seuil, 2017) qui dénonce : « Stockés dans des décharges, éparpillés à la surface des océans ou dispersés en particules invisibles dans l’atmosphère, les déchets sont désormais des traces indélébiles de notre présence sur terre autant que des symptômes de la crise du monde contemporain. » Tout en soulignant les limites du recyclage : « L’argument de la recyclabilité des déchets permet d’en produire et d’en consommer toujours plus. Comme si, en jetant son déchet dans la bonne poubelle, l’écocitoyen se désencombrait de sa responsabilité de la production même de ce déchet. » Ses paroles font écho à celles de Flore Berlingen, directrice de Zero waste France : « Si l’économie circulaire se résume au recyclage, on ne peut s’en satisfaire, car le seul cycle parfait est celui du compost des déchets organiques qui permet de régénérer les sols agricoles. Pour les autres déchets, il faut suivre cette hiérarchie : réduire, réutiliser, réemployer, réparer, recycler et jeter. » Nous assistons à une prise de conscience des Français qui ne se contentent plus de bien trier leurs déchets. Désormais, ils veulent les réduire à la source. Comment ? En consommant mieux et moins, suivant le sillon de la sobriété heureuse tracé par le penseur Pierre Rabhi. Les industriels devront suivre le développement de ces comportements visant à réduire, de pair, consommation et déchets.
Le succès de la vente en vrac
Les achats en vrac sont de plus en plus plébiscités, d’où la multiplication des épiceries sans emballages et des espaces dédiés dans les hypermarchés. L’enseigne Carrefour a même autorisé ses clients, en mars dernier, à emballer leurs achats dans leurs propres contenants aux rayons à vente assistée : fromagerie, poissonnerie, boucherie et charcuterie.
Le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas !
Ce système permet de diminuer plastiques, papiers et cartons, voire de les proscrire si l’on vient avec ses propres contenants. Mais aussi d’éviter le gaspillage, puisque le client n’achète que les produits (majoritairement issus de l’agriculture biologique) dont il a besoin. Il suffit de verser, dans des flacons que l’on apporte soi-même ou des contenants consignés à acheter sur place, des produits ménagers (lessive, liquide vaisselle, etc.), des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle (gel douche, shampoing, etc.), des aliments (céréales, légumineuses, farine, etc.) ou encore du vin et de l’huile. Autre exemple : le retour de la consigne, sous la houlette de la startup Jean Bouteille ou, à une plus vaste échelle, via la mise en ligne, ce printemps, de la plateforme d’e-commerce Loop initiée par TerraCycle. Cette entreprise a pour ambition de « mettre en vrac » les géants de l’agroalimentaire, de la cosmétique et de la distribution. Procter & Gamble va ainsi pouvoir vendre une centaine de produits de consommation de la vie courante conditionnés dans des emballages réutilisables au minimum une centaine de fois et consignés.
Compost et DIY
Au rayon des déchets alimentaires, on observe l’apparition de lombricompost dans les cuisines des particuliers, de compost partagé en pied d’immeuble et dans les restaurants scolaires ou encore de poulaillers dans les jardins. Autre exemple : l’engouement des Français pour la réparation. En atteste l’enquête Perceptions et pratiques des Français en matière d’autoréparation des produits, menée en 2017 par l’Ademe, en coopération avec le site Spareka, spécialisé dans la vente en ligne de pièces détachées. Les auteurs du rapport écrivent ainsi : « La réparation est une pratique de plus en plus sollicitée […]. Près d’un Français sur deux a déjà réparé soi-même un appareil électroménager. Si 78% le font parce que c’est une solution économique, c’est également une action responsable et écologique pour 77% d’entre eux. » Dans le même esprit, de plus en plus de Français sont séduits par le DIY (Do it Yourself ou Faites-le vous-même) qui permet de fabriquer ses produits d’entretien ménager ou ses cosmétiques et d’éviter ainsi les emballages. Sans oublier les achats d’occasion qui ont le vent en poupe. En témoignent, notamment, le succès des vide-greniers et des sites de vente en ligne, tel Le Bon coin. Autant d’initiatives pour réduire, à la source, nos déchets, parce qu’on ne le répètera jamais assez : le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas !
HOP comme Halte à l’obsolescence programmée
Une seule pièce tombe en panne et c’est l’appareil entier qu’il faut changer. Cette stratégie commerciale vise à réduire sciemment l’espérance de vie des objets pour obliger les consommateurs à acheter des produits neufs. Depuis la LTECV, cette pratique est passible de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Reste à prouver que le fabricant est coupable d’avoir « délibérément cherché à réduire la durée de vie d’un produit ». Pour la première fois en France, l’association HOP a attaqué en justice des fabricants d’imprimantes et de cartouches d’encre en 2017 et Apple en 2018 sur l’obsolescence de ses modèles d’iPhone 6, 6s, SE et 7. Les investigations sont en cours.