« La question des déchets permet de repenser le monde »
Quelle est la situation du marché mondial des déchets ?
En 2012, le marché de l’import-export des déchets représentait 1% de l’ensemble du commerce mondial, soit deux fois plus qu’en 2003. Les principaux déchets échangés dans le monde sont les métaux, les papiers et les cartons. Quant au marché du plastique, dans certains États asiatiques, il augmente de près de 20% chaque année depuis 2015. La tendance va vers une augmentation exponentielle de la circulation des déchets : des pays du Nord, qui veulent se débarrasser des déchets encombrants qu’ils produisent, vers les pays du Sud qui, eux, ont besoin de matières premières bon marché face à l’augmentation du coût des matières vierges. En 2017, la Chine était le premier importateur mondial de déchets recyclables (à hauteur d’1/4) et les États-Unis, le premier exportateur.
Quelles sont les conséquences du refus de la Chine d’importer les déchets en 2018 ?
On assiste à une chute libre de l’exportation des déchets plastiques en général, et des polyéthylènes en particulier, depuis l’Occident vers la Chine.
La tendance va vers une augmentation exponentielle de la circulation des déchets.
Les autorités de Pékin exigent désormais du plastique présentant davantage de pureté, à un seuil comparable à celui fixé par les Occidentaux.
Comment expliquer une telle décision ?
La Chine mène des réformes environnementales pour obtenir des prêts bancaires auprès, notamment, de la Banque mondiale. Et, cette institution demande aux États de se conformer à des exigences environnementales. Autre raison, cette fois de politique intérieure : les régions chinoises spécialisées dans le recyclage de plastique – réparties à 90% dans le sud-est du pays – se sont enrichies. Ce qui a entraîné un déséquilibre du rapport de force en faveur des gouvernements locaux et au détriment du gouvernement central qui veut conserver son rôle de leader. Enfin, le film-documentaire Plastic China a eu un grand impact : la Chine ne veut plus renvoyer cette image négative de « poubelle du monde ».
Quelles sont les conséquences de cette fermeture ?
Du côté de l’Occident, l’aspect positif est que nous allons devoir ouvrir les yeux sur notre production d’ordures. La seule bonne politique est celle de la réduction, en amont, de nos déchets, ce qui passe par la nécessité de jouer sur les modèles de production. Par ailleurs, cette fermeture va entraîner la possible dynamisation locale du recyclage. Les grandes industries, anticipant l’opportunité financière à saisir, vont enfin investir dans le recyclage, particulièrement du plastique, comme Veolia (à hauteur de 1 milliard d’euros) et Suez (1,1 milliard d’euros).
Et du côté de l’Asie ?
Je pensais que le Vietnam allait tirer parti du retrait chinois, mais cela ne semble pas être le cas. En octobre 2018, par exemple, les autorités politiques ont refusé des porte-conteneurs dans le port de Haiphong. Par ailleurs, nous observons un blanchiment du trafic de déchets dans le port de Hong Kong, plateforme du sud-est asiatique. Certes, la Convention internationale de Bâle interdit l’exportation des déchets dangereux dans un pays où la réglementation est moins contraignante. Cependant, des filières illégales existent. Elles représentent même 25% du commerce mondial des déchets. Et des voix s’élèvent pour demander le classement du plastique en tant que matière dangereuse. Comme on peut le constater, le déchet, accessible à tous et partie intégrante de notre quotidien, est une bonne porte d’entrée pour penser le monde.