Hacker par curiosité journalistique
Journaliste, Antoine Champagne a longtemps côtoyé des hackers, dont il a adopté certaines méthodes… jusqu’à être poursuivi par une très grosse entreprise.
Au début des années 90, les hackers n’étaient pas médiatisés. Ces hommes discrets créaient des groupes de discussion pour échanger des informations sur les failles de sécurité qu’ils trouvaient en s’introduisant sans autorisation dans les systèmes informatiques des entreprises. Leur plus grand plaisir : réussir ces prouesses en se connectant à leurs serveurs grâce à des dizaines de machines partout sur la planète, sans qu’on le sache, en effaçant leurs traces au fur et à mesure. Journaliste dans la presse financière à l’Agefi, Antoine côtoie alors le monde des banquiers, auxquels il fait découvrir dans ses articles les nouvelles technologies bancaires émergentes de l’époque, comme la carte à puce. C’était avant le web, avant que ce réseau mondial devienne incontournable. Une rencontre avec Jean-Michel Billaut, responsable de la cellule veille de Paribas et créateur d’un réseau informatique préfigurant ce que ferait plus tard Facebook, « Le BBS de L’Atelier », est décisive. « Je me suis connecté à cette communauté, qui est rapidement devenue un creuset incroyable, où les gens qui travaillaient dans des entreprises concurrentes s’entraidaient ! », s’exclame Antoine. Un nouveau mode de fonctionnement qu’il souhaite mettre en place à l’Agefi. Séduite, la direction lui confie la création d’un serveur pour publier des contenus et créer une communauté.
En contact avec la crème des hackers
C’est alors que débarque le web. Antoine crée dans la foulée le serveur de l’Agefi, tout en continuant à écrire ses articles. Intrigué par la sécurité des réseaux – affichée par les entreprises mais dont il doute fortement -, il réalise que les plus à même de lui en parler sont… les pirates informatiques eux-mêmes. Mais comment les joindre ? « Coup de chance. J’ai atterri dans une salle de discussion virtuelle sur internet et, de fil en aiguille, j’ai été en contact avec des Américains, des Russes, des Canadiens, des Français… qui étaient un peu la crème des hackers ! Et, bien que béotien, ils ont plutôt répondu à mes questions », explique-t-il.
Faire fuiter dans la presse les dysfonctionnements des entreprises.
Devenu un lecteur compulsif des publications sur les failles de sécurité, fort de ses nouvelles compétences techniques, il « s’amuse » à entrer dans les systèmes des entreprises avec son petit serveur web et un navigateur, pour y découvrir des dysfonctionnements qu’il fait ensuite fuiter dans la presse. C’est ainsi qu’il accède sur le site de l’entreprise Tati à la base de données nominatives de plus de 4 000 internautes. Après avoir alerté le responsable du site de la marque, il écrit des articles sur le site Kitetoa. Quelque temps plus tard, le mensuel Newbiz publie une enquête en se basant sur la faille découverte par Antoine. Informée, l’entreprise Tati porte aussitôt plainte, furieuse qu’il ait pénétré sans autorisation dans son système et révélé un grave problème de sécurité. « Mon statut de journaliste montrait que je n’avais pas d’intentions belliqueuses, je n’ai jamais exploité les failles que j’ai trouvées. Techniquement parlant, je n’étais pas un pirate. » Après plusieurs années et un procès-fleuve (gagné), Antoine se lasse : « Je devenais monomaniaque ». Depuis, avec un autre ex-hacker, ils ont créé Reflets, un journal en ligne d’investigation et d’information hacking.