Le rapport Spinetta durcit le débat ferroviaire
Pavé dans la mare du Contrat pluriannuel de performance 2016-26, le rapport Spinetta pousse SNCF Réseau sur la voie de la fermeté commerciale vis-à-vis des collectivités.
Alors que le Contrat pluriannuel de performance 2016-26 entre l’Etat et SNCF Réseau semblait avoir sécurisé le financement des infrastructures ferroviaires avec un budget de 34 Md€ sur dix ans (petites lignes comprises), le rapport Spinetta présenté en février 2018 a bouleversé les relations entre le gestionnaire du réseau et ses clients territoriaux.
En maintenant les lignes UIC 7 à 9, SNCF Réseau pénalise sa performance.
Le conseil de Jean-Cyril Spinetta est clair : le groupe SNCF dans son ensemble doit se comporter en entreprise commerciale vis-à-vis de ses clients. Si SNCF Mobilités y a trouvé son compte en élaborant une nouvelle politique tarifaire pour ses LGV et une stratégie de services pour ses clients, SNCF Réseau y a surtout vu l’obligation de renoncer à 1,7 milliard d’euros de dotations d’Etat par an et, pour ses cheminots, à une perte de travail synonyme de conflits sociaux avec les syndicats CGT et SUD. Patrick Jeantet, son Pdg, a tout de suite lancé pour mot d’ordre à ses troupes : « Faire moins cher pour sauver les lignes ! » La tâche sera d’autant moins aisée qu’elle est difficile à justifier.
1,7 Md€ par an pour les UIC 7 à 9
De fait, l’ex-Pdg d’Air France a mis en évidence que les lignes de catégorie UIC 7 à 9 de « desserte fine des territoires » consomment 17% des 10,5 Md€ des contributions publiques annuelles au système ferroviaire, soit 1,7 Md€. Cela pour une moyenne de 13 trains journaliers transportant moins de 30 voyageurs, le tout à des vitesses qui ne cessent de ralentir pour des raisons de sécurité. Pour maintenir ces lignes qui ne concernent que 2% des voyageurs, SNCF Réseau s’endette et, selon le rapport Spinetta, « ne dispose pas des moyens nécessaires pour développer la performance du réseau principal qui supporte 90% des trafics ». Au temps des Cars Macron, la logique voudrait que SNCF remplace ces lignes ferroviaires par des gares routières et des lignes de cars Ouibus, comme l’a sous-entendu le Premier ministre Edouard Philippe en interdisant à SNCF Réseau de rénover ces petites lignes. Mais Guillaume Pepy, président du directoire de la SNCF, et Patrick Jeantet ne veulent ou ne peuvent pas le faire, certaines lignes étant « des maillons d’axes nationaux, des dessertes régionales », soulignait le président de SNCF Réseau en octobre. De ce fait, la temporisation est de rigueur avec la préparation d’une cinquantaine de mesures qui doivent faire gagner près de 30% sur les coûts de leur maintien.
Faire payer les collectivités
Même si ces solutions font économiser à SNCF Réseau quelque 510 M€ sur le 1,7Md€ concerné, leur mise en place impactera autant les collectivités que le gestionnaire du réseau. Impact sur ce dernier, qui prévoit de confier la gestion des lignes à des entreprises privées, au rang desquelles pourrait bien se placer VFLI (Voies ferrées locales et industrielles), filiale de droit privé du groupe SNCF. Si VFLI, qui est à la fois gestionnaire de réseau et opérateur ferroviaire, obtenait le contrat, cela compenserait la réduction de personnel annoncée en décembre par le groupe, en transférant une partie du personnel licencié. Impact sur les collectivités, ensuite, car SNCF Réseau a entrepris de mettre à contribution financière les collectivités qui souhaitent maintenir leurs petites lignes. Un pari osé alors que les collectivités peinent déjà à réunir les fonds nécessaires à l’entretien de leurs routes, mais qui amende l’opérateur en cas de décision fatale.