La réforme fiscale menace les dotations des collectivités
La suppression de la taxe d’habitation en 2020 privera les collectivités locales de ressources. Les élus sont sur le pied de guerre pour obtenir du gouvernement une compensation.
Le souvenir des déboires budgétaires qui ont suivi la suppression de la taxe professionnelle, en 2010, inquiète les collectivités locales. Elles appréhendent la suppression en 2020 de la taxe d’habitation dont elles tirent le principal de leurs dotations. Ce n’est pas tant que les élus locaux tiennent à cette taxe : « Elle est inégalitaire car basée sur le déclaratif de la composition des ménages et de l’habitat, explique Yves Krattinger, président du Conseil départemental de Haute-Saône.
L’éventualité d’une vignette poids lourds a fait long feu.
Du coup, les immeubles anciens paient toujours beaucoup alors que des maisons neuves paient comme si elles étaient des masures. » Mais la perte des 22 à 23 Md€ de la taxe qui étayait les budgets des communes ne pouvait tomber plus mal. Depuis 2015, l’Etat a restreint ses dotations aux collectivités locales, en engageant plusieurs centaines d’entre elles dans une contractualisation assortie de pénalités qui les oblige à réduire leurs dépenses. En même temps, le rapport du COI et l’actualité routière ont mis l’accent sur la rénovation des infrastructures routières, faisant passer cette dépense du statut de « variable d’ajustement » à celui d’investissement impératif. Les collectivités sont donc prises en étau.
Impôt, vignette ou redevance ?
Le gouvernement a cependant prévu de compenser la perte financière. Mais il n’a pas encore décidé comment, en grande partie parce que ses suggestions se heurtent à des oppositions diverses. Ainsi, la première idée qui soit apparue a consisté à créer un nouvel impôt national dont le produit serait reversé aux collectivités. Mais au nom de leur autonomie financière, symbole de décentralisation, les collectivités l’ont rejetée, décision que le gouvernement a acceptée aussitôt, lui-même cherchant à réduire les impôts. L’éventualité d’une vignette poids lourds a fait long feu : non seulement les entreprises de transport se sont prononcées contre, soutenues par les élus locaux qui prétendent préserver les entreprises, mais le climat social dégradé par l’annonce d’une hausse des prix du carburant a poussé le gouvernement à renoncer temporairement à l’idée. L’éventualité d’un impôt local, voulu par certains élus, a effrayé la majorité des autres, sachant que, depuis 2013, les taxes communales des ménages ont augmenté de 8,9% et les taxes départementales de 13,4%. Même sort pour le concept de « redevance routière » par type de véhicule prôné par Yves Crozet, président du Think Tank de l’Union routière de France.
Compensation pérenne
Reste le principe d’une redistribution d’un pourcentage de la TVA nationale ou d’une part de la CSG, séduisante pour les élus car les deux solutions sont liées à la consommation. Entre l’argent du « versement transport » et la collecte des radars, les collectivités ont apprécié la croissance parallèle de ces montants. Le problème est que l’impôt reste assujetti au bon vouloir du gouvernement alors que, comme le réclame Frédéric Cuillerier, président de la commission Transport à l’Association des maires de France, « nous voulons une compensation pérenne ». Les représentants du gouvernement et ceux des régions, des départements et des communes ont donc entamé dès mai 2018 des négociations pour trouver une solution permettant aux collectivités de financer leurs infrastructures.