Le rapport du COI enflamme le débat budgétaire des infrastructures
En plaçant le gouvernement face à des choix, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) s’est révélé un levier de contre-pouvoir.
Pour le gouvernement, analyser l’état de l’art des infrastructures routières et ferroviaires françaises a sans doute paru une bonne idée pour faire taire les critiques des collectivités, des opérateurs, des professionnels et même du public sur sa gestion des réseaux routiers et ferroviaires. En se gardant bien de décider à la place du gouvernement, le rapport rendu en février 2018 par le COI (commission composée d’élus et d’experts) propose trois scénarios : le bon, l’habile et le frustrant.
Les élus ont exigé que le COI soit inscrit dans la LOM.
Le bon, baptisé scénario 3, redynamise les infrastructures avec un budget de 80 Md€ sur vingt ans ; l’habile (scénario 2) les rajeunit avec 60 Md€ ; et le frustrant (scénario 1) distribue 48 Md€ par dotations de 2,4 Md€ par an pour cautériser les plaies. Le rapport étant public, chaque observateur en a profité pour affuter ses critiques selon le scénario choisi.
Un investissement moyen
Il a donc fallu choisir. Le gouvernement a contourné le problème en créant d’urgence son propre scénario, bâti sur seulement 10 ans et sur de tout autres montants. Déjà, avant l’été 2018, l’annonce a été faite du report de la construction de nouvelles Lignes à grande vitesse. Puis, le 10 septembre, la ministre des Transports Elisabeth Borne a présenté « une programmation des investissements de transports qui repose sur un équilibre entre les ressources disponibles et les investissements prévus ». En l’occurrence, le gouvernement s’est engagé à consacrer 13,4 Md€ entre 2018 et 2022 et 14,3 Md€ entre 2023 et 2027, soit un investissement d’environ 2,7 Md€ par an pendant dix ans, ce qui constitue un moyen terme entre les scénarios 1 et 2. Enfin, le 26 novembre, l’investissement des 13,4 Md€ a été intégré dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) pour « l’amélioration des transports du quotidien et la rénovation des réseaux routiers et ferroviaires ». Dans ce scénario, l’entretien et la rénovation bénéficieront de 815 M€ en 2019, 850 M€ annuels de 2020 à 2022 et 930 M€ annuels de 2023 à 2027, soit un total de 8,015 Md€.
Pérenniser les budgets
Si ce quatrième scénario a éteint la mèche allumée par le COI, il a révélé que celui-ci était un levier de contre-pouvoir. Aussi, les élus des régions, des départements et des communes ont-ils depuis exigé que le COI soit inscrit dans la LOM afin d’être réactivé régulièrement pour contrôler l’état de l’art des infrastructures et l’avancement des travaux de rénovation. En même temps, s’ils se sont contentés de cette solution moyenne, ils ont réclamé que ces investissements soient sanctuarisés. Dans ce but, les élus ont entrepris d’obtenir de l’Etat que la réforme fiscale programmée pour 2020 établisse et pérennise une dotation aux collectivités pour l’entretien des infrastructures. Sur ce point, ils ont été immédiatement soutenus par les professionnels des travaux publics qui voient là une sécurisation de leurs activités et de leurs responsabilités : « Le manque d’investissement financier dans les infrastructures routières depuis 2015 correspond exactement aux 4 Md€ de chiffre d’affaires que nous n’avons pas faits, explique Pierre Calvin, président de Routes de France. Sur le plan de la sécurité, il correspond aussi à la baisse annuelle de 30% de tonnages enrobés qui n’ont pas servi à rénover la chaussée et à la sécuriser par leur adhérence au freinage. »