« L’Europe doit montrer son utilité aux citoyens »
Dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, le vice-président de Publicis Consultants, Jean-Michel Arnaud, appelle les membres de l’Union européenne à initier de nouvelles coopérations.
Les enjeux n’ont probablement jamais été aussi importants pour l’avenir de l’Europe. En cas de majorité eurosceptique issue du prochain scrutin, les institutions européennes y survivraient-elles ? Notre destin pourrait basculer si l’Europe n’est pas en mesure de montrer son utilité aux citoyens. Pendant plusieurs générations, l’Europe a tenu son pari d’apporter paix et prospérité à ses membres. Or, elle est désormais confrontée à une succession de crises existentielles depuis le non français et néerlandais au référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe, la crise des dettes souveraines, le Brexit, les lignes de fracture entre Europe du Nord, du Sud, de l’Est. L’environnement est devenu plus porteur pour les partis hostiles à l’intégration européenne, sur fond de crise migratoire.
Pourtant, c’est l’union du continent européen qui peut lui permettre de continuer à peser pour la suite du XXIe siècle. Parmi les membres de l’UE, seule l’Allemagne demeurera dans les 8 premières économies mondiales à l’horizon 2050. La France ne sera plus qu’au 11e rang, dépassée par les pays émergents que sont l’Inde, le Mexique, le Brésil, la Russie ou encore l’Indonésie.
Répéter que l’Union fait la force ne suffit pas. Encore faut-il le démontrer aux citoyens. Ce sont les réalisations concrètes, plus que les concepts, qui permettront de rappeler l’utilité de l’Europe, condition pour un reflux progressif des partis et idées eurosceptiques. Répondre au désenchantement des citoyens à l’égard du projet européen rend urgentes les actions dans les domaines de la sécurité, de l’économie et de la gestion des flux migratoires. Ces sujets rendent possibles et même indispensables les synergies.
Le projet de la Commission de cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 témoigne, à ressources quasi équivalentes, d’une volonté de débloquer des moyens pour ces priorités et urgences : porter à 10 000 le nombre de gardes-côtes et gardes-frontières, doter le fonds européen de la Défense de 13 milliards d’euros ou encore investir au moins 7 milliards d’euros dans un plan de développement de l’intelligence artificielle. Malheureusement, le CFP ne pourra être adopté qu’après les prochaines européennes…
Dès lors, ce sont des initiatives en matière de coopérations intergouvernementales qui doivent voir le jour à brève échéance, initiatives concrètes qu’initieraient quelques Etats pour mieux relever les défis communs dans les domaines clés précités. En matière de sécurité, il serait très utile qu’une coopération renforcée permette de créer un parquet antiterroriste européen, ou encore que soit développée une police aux frontières pour les Etats volontaires.
Pour permettre à nos pays de rester dans la course à l’innovation, de nouvelles coopérations industrielles et techniques devront voir le jour, en particulier entre la France et l’Allemagne, à l’instar du projet « d’Airbus des batteries » récemment annoncé. La réalisation d’une initiative européenne pour l’innovation de rupture devra être une priorité, sans oublier les financements nécessaires à la transition énergétique.
Sans ces coopérations dans les domaines stratégiques pour l’avenir, les pays européens verront leur souveraineté limitée, étant de plus en plus soumis à la puissance américaine et surtout chinoise, perdant ainsi une partie des clés de leur destin.