Québec : Le « baluchonnage » épaule les aidants familiaux
Former et apporter un long répit aux aidants familiaux, c’est le crédo de l’association Baluchon Alzheimer, fondée en 1999 au Québec. « Certains proches sont épuisés, d’autres peinent à gérer les tentatives de fugue, l’alimentation et surtout les soins d’hygiène », expose Guylaine Martin, directrice générale de Baluchon Alzheimer. L’une des 23 baluchonneuses salariées – âgées de 58 ans en moyenne – prend alors la relève durant 4 à 14 jours, 24 heures sur 24. « La baluchonneuse vit avec le senior en respectant ses habitudes. Elle fait les tâches ménagères et les soins, tout en identifiant les points d’amélioration », comme un aménagement du domicile pour éviter les chutes, par exemple.
La loi du Québec encadre le statut des aidants familiaux.
« Face à un parent en perte d’autonomie qui rechigne à avaler ses cachets, le proche aidant peut être tenté de lui donner le dosage quotidien en une seule prise. Nous l’avertissons des dangers – surmédication, responsabilité juridique – et lui donnons des astuces pour faciliter ce soin. »
Mobiliser la philanthropie pour se financer
L’association aide en moyenne 200 familles par an. Elles lui sont adressées par les services sociaux des 13 régions administratives du Québec qui ont conclu une entente avec l’association. « Nous ne pouvons pas répondre à toutes les demandes. Notre équipe pourrait effectuer 3 000 jours d’accompagnement
par an, mais notre budget nous limite à 2 100 jours », regrette Guylaine Martin, qui reçoit une enveloppe de 800 000 dollars canadiens (soit 540 000 euros) par an du ministère de la Santé et des services sociaux
du Québec. En 2018, sa fondation a collecté 120 000 dollars canadiens (soit 80 000 euros) de dons auprès de particuliers et d’entreprises et vise les 2 millions (1,34 million d’euros) d’ici 5 ans. Le reste à charge pour les familles est plafonné à 15 dollars canadiens (environ 10 euros) par jour, soit 5% du coût du service.
8 euros de l’heure pour une journée de 24 heures
« Une baluchonneuse est payée au Smic (12 dollars canadiens de l’heure, soit 8 euros) sur 24 heures par jour de mission. Notre droit du travail autorise de travailler en continu jusqu’à 14 jours d’affilée, s’il s’en suit un temps de repos égal au nombre de jours travaillés. » La loi québecoise encadre également le statut des aidants familiaux qui doivent en premier lieu obtenir une attestation de leur rôle auprès d’un professionnel de santé. Légalement, l’aidant peut prendre jusqu’à 27 semaines de congés sans solde sur 12 mois sans que son emploi s’en trouve menacé, et bénéficier de 2 jours de congés rémunérés par l’employeur.
L’offre s’exporte en Belgique et en France
Quand la Belgique a voulu tester l’offre de Baluchon Alzheimer en 2003, la fondatrice de l’association québécoise, Marie Gendron, est venue ouvrir l’antenne nationale qui fonctionne désormais en autonomie. La création de Baluchon France a été mise sur les rails par la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (ESSOC) d’août 2018, qui prévoit une dérogation aux règles du temps de travail pour trois ans, à titre expérimental. « J’interviens en France depuis 2012 pour présenter notre méthode et nos outils, et les différencier des offres de ”relayage” plus partielles », précise Guylaine
Martin. « Au Québec, le baluchonnage est réservé aux proches des malades d’Alzheimer car les subventions publiques leur sont réservées. Mais en France, il sera accessible aussi aux familles touchées par la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques. »