Assurance autonomie : une réponse public-privé
L’assurance perte d’autonomie peut-elle être mutualisée à l’échelle du pays ?
Stéphane Mary : Selon ILC France, si chaque Français cotisait 1 euro par jour en moyenne, nous pourrions collectivement financer la rente mensuelle de tout senior en grande perte d’autonomie (GIR 1 et 2) à hauteur de 1 500 euros et d’environ 1 000 euros par mois pour les GIR 3 et 4. Ce système, économiquement viable sur 40 ans a minima, procurerait une couverture financière bien plus étendue que l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie). Ce constat repose sur le rapport très favorable entre nombre de cotisants et de bénéficiaires indemnisés par ce potentiel système, contrairement aux autres domaines de la protection sociale (santé, retraite) où chacun cotise, mais « consomme » également. Toutefois, son financement poserait un défi politique dans la mesure où il nécessiterait une nouvelle contribution des Français, très difficile à instaurer dans le contexte actuel. Il existe sans doute des idées à trouver, mêlant sphères privée et publique, comme cela est le cas dans les autres domaines de la protection sociale.
Florence Peyres : Les prestations – aujourd’hui restreintes à l’indemnisation financière quand le risque est advenu – pourraient être étendues à la prise en charge de dépenses dans un but de prévention visant à accompagner l’assuré et retarder sa perte d’autonomie. Chacun pourrait alors en bénéficier et cela permettrait d’atténuer l’impression de payer à fonds perdus.
Comment indemniser la perte d’autonomie partielle ?
FP : Actuellement, ce risque est peu proposé – et au prix d’une cotisation élevée – car il est difficile à évaluer : en effet, il existe peu de statistiques sur le nombre de personnes concernées et sur son évolution dans le temps. De telles données sont essentielles pour proposer les meilleures garanties au meilleur tarif. C’est grâce à leur expérience depuis les années 1980 et à des données internationales que les assureurs sont désormais à l’aise pour modéliser le coût de garantie de la perte d’autonomie lourde indemnisée à titre viager (plus complexe à couvrir en raison d’une inconnue de taille : la longévité du bénéficiaire). En cas de perte d’autonomie partielle, la prestation est plus souvent proposée sous forme de capital, mais Generali la propose à la fois en capital et sous la forme d’une rente viagère.
SM : Pour mieux comprendre le phénomène, le risque sous-jacent et, in fine, ajuster au mieux le montant des cotisations, il serait intéressant que les assureurs puissent traiter statistiquement les données publiques anonymisées sur les bénéficiaires de l’APA par exemple. C’est impossible, alors que dans d’autres domaines – comme la santé -, l’open data a vraiment démarré.
L’avenir est-il à la création d’une assurance « vieillesse » globale ?
FP : Des contrats dédiés aux seniors, avec à la fois des garanties obsèques, santé et perte d’autonomie, sont imaginables.
SM : L’avenir sera impacté par les évolutions technologiques et médicales. Grâce aux prothèses intelligentes – comme un bras artificiel -, une personne frappée d’incapacité retrouvera sa mobilité. L’intelligence artificielle et la robotisation génèreront de nouvelles solutions d’aide à la personne. On pourrait un jour parvenir à stabiliser, voire guérir la maladie d’Alzheimer. La perte d’autonomie pourrait devenir réversible, curable. Dès lors, elle serait assurée comme une maladie chronique relevant de l’assurance santé.