« Définissons donc ce qu’on attend de la technologie ! »
Les nouvelles technologies sont-elles facilement appropriables par les seniors ?
Dans 10 à 15 ans, ce ne sera plus une question. Des inégalités d’accès existent actuellement chez les seniors, pour des raisons socio-économiques et techniques : une personne de 80 ans vivant en milieu rural, dans une zone mal couverte en matière de réseaux mobile et internet, reste à l’écart de ces technologies. En revanche, les baby-boomers se sont familiarisés avec ces technologies pour garder le contact avec leur famille, via les réseaux sociaux et les applications mobiles. Quand elle atteindra le grand âge, cette génération les utilisera pour se déplacer et pour continuer de vivre chez soi et au plus près de ses repères, même en situation de perte d’autonomie. Le smartphone leur permettra de commander les objets connectés ou robotiques de la maison et d’accéder aux services de mobilité et aux réseaux sociaux. Quant aux montres connectées, dotées d’écrans plus larges adaptés aux yeux fatigués et d’un gyroscope pour détecter les chutes en permanence, elles permettront de faire un électrocardiogramme chez soi, à partir d’un seul point de contact sur le corps.
Qui prendra en charge le coût de ces innovations ?
Il faut d’abord sortir de la logique d’infrastructures pour privilégier la souplesse du numérique. J’ai rencontré la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer à ce sujet. En France, nous aimons les infrastructures – sans doute un héritage de l’ancien Commissariat général du Plan -, mais elles coûtent cher. Par exemple, on ignore si la 5G sera ou non une technologie de rupture, mais son déploiement débutera dès 2020 dans les grandes métropoles, alors que des zones isolées du pays restent mal couvertes pour la téléphonie mobile. Mieux vaut investir l’argent dans les innovations technologiques, sociales et humaines, financées par l’aide publique, les mutuelles et les assurances, avec une participation financière du bénéficiaire. Leur modèle économique dépendra du panier de services minimal que l’on souhaite proposer pour la prise en charge de la personne au grand âge. Définissons donc ce qu’on attend de la technologie ! Cela doit être fait en lien avec tous les acteurs de l’accompagnement au grand âge, et notamment les collectivités territoriales.
La France est-elle leader sur le marché de la Silver Ecomomie?
On vante souvent son potentiel énorme, mais la part de marché de la Silver Economie est difficile à définir. Assimiler les offres destinées aux seniors de 60 ans et celles pour les plus de 80 ans n’a en effet guère de sens.
Sortir de la logique d’infrastructures pour privilégier la souplesse du numérique.
De nombreuses initiatives sont menées en France, mais les budgets pour les soutenir n’ont rien à voir avec ceux des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Or, tout le monde ne peut pas acheter les produits coûteux de ces géants américains de la technologie, qui se positionnent dès à présent comme des acteurs majeurs de la santé et du vieillissement. On peut ainsi imaginer qu’à l’avenir, les mutuelles devront passer des accords avec Apple pour équiper tous leurs bénéficiaires en perte d’autonomie d’une montre connectée.