Il reste dix ans pour se préparer au tsunami du grand âge
La population vieillit et le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie va exploser. Face aux défis humains et financiers de leur prise en charge, les Français attendent des réponses de la puissance publique.
Au cours des dix prochaines années, le nombre de Français âgés en perte d’autonomie va augmenter d’un tiers. Mais le choc du papy-boom ne prendra réellement tout son essor qu’à partir de 2030. A cette date, la France comptera 1,6 million de seniors en perte d’autonomie, puis 2,45 millions en 2060. Et en 2070, devenir centenaire n’aura plus rien d’original : parmi les 76,5 millions de Français, 270 000 personnes auront plus de cent ans, selon l’Insee, et un habitant sur trois aura 65 ans et plus – contre un sur cinq en 2018.
La perte d’autonomie débute à 75 ans
L’espérance de vie des Français a en effet bondi depuis les années 1950, grâce au progrès technique et à l’amélioration des conditions de vie durant les « Trente Glorieuses » (notamment l’arrivée de l’eau courante et de l’électricité dans tous les foyers, l’apparition des machines-outils et de l’électroménager, le plein emploi, le faible coût d’accession à la propriété). Ainsi, une femme qui a eu 65 ans en 2017 peut désormais espérer atteindre l’âge de 93,4 ans, alors que l’espérance de vie qui lui était donnée à sa naissance – en 1952 – était de 70,2 ans (l’espérance de vie d’un homme de 65 ans était estimée à 79,5 ans en 2017, contre 64,4 ans à sa naissance).
2,45 millions de Français en perte d’autonomie en 2060.
« Les Français vivent plus longtemps, mais leur espérance de vie en bonne santé reste stable depuis dix ans », observe Muriel Moisy, de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) dans une note parue en janvier 2018. L’espérance de vie sans incapacité – c’est-à-dire sans être durablement limité dans ses activités quotidiennes à cause d’un problème de santé – stagne autour de 75,5 ans pour les femmes et 69,4 ans pour les hommes. La perte d’autonomie s’accélère ensuite au fil des ans : elle concerne 6% des personnes âgées de 75 à 79 ans, 13% des 80-84 ans… et un tiers des seniors à partir de 85 ans, selon l’INSEE en 2018. Au total, 8% des seniors de 60 ans et plus connaissent une perte d’autonomie, et un sur dix sera touché en 2060.
La dépense publique avoisinerait 2 points de PIB en 2040
Les frais de prise en charge du grand âge vont donc exploser quand les baby boomers (nés entre 1946 et 1964, et qui constituent la classe d’âge la plus nombreuse en France) atteindront l’âge de la perte d’autonomie (85 ans), entre 2030 et 2040, selon la DRESS en 2017. Or, la dépense publique couvre 79% du coût annuel engendré par la dépendance pour les soins, l’hébergement et l’aide. Sur une facture de 30 milliards d’euros par an, elle finance 23,7 milliards, soit 1,11 point de PIB sur un total de 1,4, selon la DRESS. En 2016, le Conseil économique et social estimait son augmentation « de 0,3 à 0,7 point de PIB d’ici 2040 ». Dans un contexte de croissance poussive et d’austérité budgétaire pour assainir les comptes publics, trouver cette rallonge de plusieurs milliards d’euros relève du casse-tête pour l’Etat. Or les sondages sont unanimes : six Français sur dix considèrent que la prise en charge du grand âge incombe à la Sécurité sociale et qu’elle doit s’appliquer à tous, quelle que soit l’ampleur de la perte d’autonomie.
Les Français concernés et inquiets
Les deux tiers des Français se disent préoccupés par l’éventualité de la perte d’autonomie, pour eux-mêmes ou un proche, selon un sondage OpinionWay d’avril 2018. D’après une étude menée en juin 2018 par Harris Interactive pour la Mutualité française, 85% des Français estiment que les pouvoirs publics ne prennent pas suffisamment en compte le sujet du grand âge et que les propositions et les aides sont insatisfaisantes. Ils attendent de meilleurs dispositifs d’accompagnement pour favoriser le maintien à domicile le plus longtemps possible, mais aussi un effort en faveur des aidants familiaux (avec davantage d’aides et de structures d’accueil temporaire pour les soulager). Ils souhaitent également le développement de l’offre de maisons de retraite médicalisées et de structures d’hébergement intermédiaires. Ces aspirations se mêlent à une angoisse forte : quatre Français sur dix pensent qu’ils ne devront compter que sur eux-mêmes, et sur leur épargne, pour financer la prise en charge de leur éventuelle perte d’autonomie.