La bibliothèque comme « troisième lieu » : espoirs et limites
Les bibliothèques, qui se sont déjà beaucoup modernisées avec le numérique, n’en seraient qu’au début de leur révolution. Mais comment faire pour qu’elles demeurent des lieux culturels ?
Le dernier rapport annuel du ministère de la Culture consacré aux bibliothéques, publié fin 2017, rappelle qu’elles sont les premiers équipements culturels de proximité, représentant un maillage de 89% des communes. En plus, la fréquentation est à la hausse, de 5 points en 10 ans, portant à 40% la part des Français qui ont fréquenté un tel lieu courant 2015. Par ailleurs, une étude (menée par TMO Région) sur la valeur des bibliothèques aux yeux des non-usagers, vient préciser que toutes les classes sociales participent à ce succès, avec une hausse significative auprès des publics les plus modestes.
Lieux hybrides
Encore plus que la bibliothèque d’aujourd’hui, qui s’est beaucoup modernisée ces dernières années avec l’intégration des outils numériques, c’est la bibliothèque de demain qui soulève l’enthousiasme. Selon le rapport de l’académicien Erik Orsenna, validé par le ministère de la Culture, qui fixe la feuille de route pour les années à venir, la bibliothèque est appelée à se muer en « troisième lieu », également dénommé « tiers-lieu », deux termes traduits de l’anglais « third place » (concept forgé par le sociologue américain Ray Oldenburg, dans les années 1980, désignant un lieu entre le domicile et le travail). Erik Orsenna le définit comme « un lieu chaleureux où il, où elle puisse se rendre pour découvrir et se découvrir, apprendre, imaginer, échanger, voyager ». Plus concrètement, le troisième lieu privilégie la relation humaine, la co-construction et l’échange de connaissances et de savoirs, à travers des activités qui vont bien au-delà de l’emprunt de livres et qui ont pour objectif de répondre aux attentes de la population locale. Des bibliothèques fonctionnent déjà sur ce modèle, comme celle de Lezoux (Puy-de-Dôme, 6 000 hab.), qui propose des initiations aux nouvelles technologies, un espace dédié à la petite enfance ou des concerts, tout en hébergeant la mission locale et des permanences médico-sociales. « Nous soutenons cette évolution », déclare Xavier Galaup, président de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), « mais nous restons vigilants : les bibliothèques ne peuvent pas devenir des lieux d’animation coupés des collections et de leur vocation culturelle. » Xavier Galaud évoque un autre danger : les équipements culturels communaux et intercommunaux doivent rester un service public ouvert à tous, « le danger étant qu’un équipement devienne le lieu d’un seul petit groupe d’habitants ».
Exigence de qualité
L’ouverture de la bibliothèque à une multitude d’activités suppose l’ouverture à de nouveaux intervenants, hors du cercle des professionnels du livre. « Quand des vacataires sont là pour quelques heures en renfort, ce n’est pas un souci, l’équipe fixe sait gérer, mais dès qu’il s’agit d’accueillir, de renseigner ou encore de faire de la méditation, il est essentiel que ces personnes soient formées », rappelle le président de l’ABF. Malgré ces différents points de vigilance, Xavier Galaud dit « s’inquiéter bien davantage de la diminution de plus en plus marquée des moyens financiers et humains alloués aux bibliothèques et même de la fermeture de petits équipements ». Des difficultés à mettre en rapport avec les contraintes budgétaires qui affectent les collectivités.