Itinérance, quand la culture annule la distance
De l’Etat à l’échelon des communes, la tendance est à la culture qui se déplace afin de se rapprocher des publics les plus éloignés et, en même temps, d’animer les territoires.
Des « vélos-cargos » chargés de livres et pilotés par des bibliothécaires qui circulent sur le parcours de la « Loire à Vélo » afin de promouvoir la lecture… On aura tout vu avec la culture itinérante ! Cette idée audacieuse, baptisée « bibliocyclette », a été lancée en juillet 2018 par le conseil départemental du Loiret avec pour objectif d’atteindre les touristes comme les habitants de petites communes, qui n’ont pu que remarquer ces drôles d’engins. Ou comment réduire au maximum, et en créant l’événement, la distance entre la culture et le grand public.
Circulation de chefs-d’œuvre
L’itinérance séduit tous les échelons territoriaux, à commencer par l’Etat. La ministre de la Culture de l’époque, Françoise Nyssen, dévoilait en juin 2018 le Catalogue des désirs, soit une liste de près de 500 œuvres, en grande partie
issues des grands musées parisiens, vouées à se déplacer dans « les territoires les plus isolés » et à s’installer pour quelques mois dans « de petits établissements actifs ». La culture itinérante semble être adaptée à tous les genres, du musée, qui se fait alors « hors les murs », à la troupe de théâtre en passant, comme dans le Loiret, par les bibliothèques. Les projets fourmillent, du plus prestigieux, comme le Catalogue des désirs, au plus modeste, avec les artistes qui s’installent dans des villages le temps d’une résidence. Leur point commun est souvent l’originalité, à l’image de la compagnie Patrick Cosnet qui sillonne les routes de France sur une remorque agricole aménagée en scène de théâtre.
Proximité et mixité
En pratiquant l’« aller vers », les acteurs culturels, parmi lesquels de nombreuses associations, se rapprochent des publics géographiquement enclavés, pallient le manque d’équipements qui défavorise le secteur rural et proposent des dispositifs qui reviennent souvent moins cher que le transport du public jusque vers les centres-villes. Ainsi, le Centre historique médiéval d’Azincourt (Pas-de-Calais) projette de visiter les établissements scolaires qui n’ont pas toujours les moyens de financer des sorties culturelles. Au-delà de l’obstacle de l’éloignement, l’itinérance, qui casse les codes et adopte des formes plus spontanées, permet aussi de toucher des personnes peu familières des lieux culturels.
Le monde rural est le premier destinataire de la culture itinérante.
Pascale Gardes, conservatrice du musée Girodet, service de l’agglomération montargoise et rives du Loing (Loiret), qui a développé plusieurs dispositifs hors les murs à l’occasion de la fermeture pour travaux du musée, en témoigne : « Certains publics ont besoin qu’on aille jusqu’à eux. Le musée, ne serait-ce que le bâtiment, peut faire peur. En leur proposant une entrée plus concrète qu’esthétique, nous nous rapprochons d’eux. Bien sûr, l’espoir est qu’ensuite ils franchissent la porte du musée. » Si le monde rural est le premier destinataire de la culture itinérante, tout le territoire peut être concerné. Ces deux dernières années se sont multipliées les Micro-Folies, lieux culturels gratuits, implantés en priorité dans des quartiers populaires urbains, un concept imaginé par Didier Fusillier, président de l’établissement public de La Villette (Paris). La Micro-Folie de Lille propose ainsi un musée numérique, composé de 250 chefs-d’œuvre nationaux à découvrir sur tablette. Avec le numérique, la culture itinérante a une corde supplémentaire à son arc pour abolir les distances.