Multiplier les points d’accès à la culture pour réparer les fractures
Afin de lutter contre les inégalités territoriales, les établissements publics de proximité – en particulier les écoles et les bibliothèques - sont fortement sollicités.
Pour se faire une idée du maillage du territoire français en matière d’équipements culturels, il faut s’imaginer un tissu chatoyant mais non dépourvu d’accrocs, voire même de larges trous. Le ministère de la Culture a recensé 86 « zones blanches » en métropole (dans les Vosges, le Loiret…) et en outre-mer, dans lesquelles on compte moins d’un équipement culturel pour 10 000 habitants. Ce recensement vient donner des repères aux acteurs publics pour cibler au plus juste la création de futurs établissements et le déploiement des dispositifs d’accès à la culture.
On comptabilise 86 « zones blanches » de la culture.
Le ministère a montré l’exemple avec son plan « Culture près de chez vous », lancé en mars 2018, qui mise sur l’itinérance des œuvres et des artistes. « Nous dépensons dix fois plus en Ile-de-France que dans le reste du pays […]. Le service public n’est pas équilibré », a reconnu, à cette occasion, la ministre de la Culture de l’époque. Les bibliothèques représentant la moitié des équipements culturels, les collectivités sont appelées, comme le souligne le rapport Orsenna, à soutenir leur développement, notamment en mutualisant leurs moyens à l’échelon intercommunal. Les établissements scolaires, touchant un nombre important de citoyens, sont mobilisés avec la mission de renforcer l’éducation artistique et culturelle (EAC), de la maternelle au baccalauréat. Manon Laporte, conseillère régionale d’Ile-de-France, déléguée spéciale aux actions culturelles et artistiques, explique « se servir de la compétence obligatoire des lycées pour promouvoir la culture ». La région finance dans une dynamique croisée la création locale et le déplacement d’artistes au sein des lycées les plus enclavés.
Atouts locaux
Sur le terrain, les élus et acteurs culturels craignent que cette volonté de rééquilibrage ne se traduise par une homogénéisation qu’ils jugent inadaptée à leur réalité et aux attentes de la population locale. « Toutes les villes ont-elles besoin d’un musée national ? », demande ainsi Marie-Jeanne Béguet, maire de Civrieux (1 600 hab.), présidente des maires ruraux de l’Ain. Face à une culture qui « descendrait de Paris et à un coût vraisemblablement élevé », elle défend les efforts locaux pour maintenir les librairies ou encore ouvrir des cinémas. « Parler de “zones blanches”, c’est ignorer la production en secteur rural », souligne-t-elle. On compte presque une troupe de théâtre par village ! Souvent du théâtre amateur qui n’a pas la prétention des troupes professionnelles mais qui vient renforcer le lien social. »
Coup de pouce numérique
Afin de faire découvrir les ressources locales, le ministère de la Culture lancera en février le Pass culture dans cinq départements : le Bas-Rhin, l’Hérault, la Seine-Saint-
Denis, le Finistère et la Guyane. Cette application mobile géolocalisée, qui cible les jeunes âgés de 18 ans, recense les offres culturelles facilement accessibles – un cours de théâtre, une séance de cinéma, les horaires atypiques d’une bibliothèque pour réviser… – et offre à chaque bénéficiaire un crédit de 500 euros. Il s’agira, là aussi, de travailler en complémentarité avec les dispositifs similaires existants, de nombreuses villes et collectivités (Strasbourg, région PACA…) ayant déjà mis en place des cartes d’accès à la culture. Cette expérimentation permettra de connaître les pratiques culturelles des jeunes.