Une nécessaire collaboration entre les enseignants et les chercheurs
Les neuroscientifiques auront beau imaginer les méthodes les plus efficaces, celles-ci ne seront appliquées à l’école que si les enseignants sont formés aux bases des neurosciences.
« Le problème aujourd’hui est que chercheurs et enseignants parlent deux langues différentes, ils ne se comprennent pas », explique Elena Pasquinelli, philosophe et membre de La main à la pâte. Cette fondation, qui veut faire le lien entre le monde de la recherche et celui de l’école, initie par exemple les enseignants aux neurosciences via des journées de formation. Un de ses objectifs est aussi d’aiguiser leur regard critique sur les nombreuses propositions pédagogiques malhonnêtes annonçant des solutions miracles sur une base pseudo-scientifique, en promettant par exemple de « booster les capacités d’apprentissage de vos élèves en quelques semaines ! ».
Beaucoup de professeurs autodidactes en neurosciences
La main à la pâte (LAMAP) veut également promouvoir davantage l’auto-formation des enseignants intéressés, par la mise à disposition de ressources documentaires sur son site internet. C’est en effet souvent par ce biais que se forment les professeurs curieux de l’apport des neurosciences. Ainsi le Mooc « Apprendre et enseigner avec les sciences cognitives », créé fin 2017 par Jean-Luc Berthier, ancien enseignant et directeur d’établissement (voir p. 25), réunit déjà plus de 10 000 inscrits. L’ENS prépare également un Mooc sur le sujet à destination des enseignants, qui sera mis en ligne au printemps 2019. Mais pour Elena Pasquinelli, cela ne suffit pas. Elle recommande que les ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) « enseignent les bases sur ces méthodes d’apprentissage analysées par les sciences ». Quant à Franck Ramus, professeur de psychologie à l’ENS et membre du conseil scientifique de l’éducation, il remet en question l’utilité des cours de psychologie des ESPE : « Les enseignants n’ont pas besoin d’être érudits en psychologie. Ils ont besoin de résultats concrets en matière d’apprentissage dont ils peuvent se servir. »
Inciter les chercheurs à écouter les retours du terrain
Reste que la méfiance vis-à-vis des neurosciences domine dans le monde enseignant. Comme le concède Pascale Toscani, maître de conférences en psychologie cognitive à la faculté d’éducation de l’université UCO d’Angers : « On ne peut pas demander aux enseignants de maîtriser les neurosciences. » Certes, les enseignants « doivent connaître les bases du fonctionnement de la mémoire, du système attentionnel, du rôle des émotions, de la plasticité cérébrale… ».
La méfiance vis-à-vis des neurosciences domine dans le monde enseignant.
Mais l’enjeu est aussi de « les accompagner dans cette rupture que représentent les neurosciences pour eux », propose-t-elle. En outre, le monde de la recherche, souvent accusé d’arrogance, doit se mettre à l’écoute des enseignants pour adapter ses préconisations, souvent décalées par rapport à la réalité d’une salle de classe. C’est l’objectif de la plateforme lea.fr, animée par des chercheurs du CNRS, qui fait participer les enseignants (plus de 90 000 professeurs inscrits) à la recherche de nouvelles méthodes pédagogiques inspirées des neurosciences. La rencontre de ces deux mondes n’en est qu’à ses débuts.