Prendre davantage en compte les émotions à l’école
Les neurosciences montrent l’impact des émotions sur le développement du cerveau, et donc sur l’apprentissage. Ainsi, pour être efficace, un cours doit être un moment de plaisir !
La salle de classe est souvent considérée comme un lieu où il faut laisser ses émotions de côté. Or la recherche en neurosciences montre par exemple que les circuits de la récompense (un sourire, une parole gentille de l’enseignant, un bon point…) sont des moteurs essentiels de la plasticité cérébrale. Faire de ses cours des moments de plaisir serait donc productif.
L’humiliation diminue l’hippocampe, lieu de la mémoire dans le cerveau.
A l’inverse, certaines émotions « négatives » peuvent décourager l’apprentissage. « On croit encore aujourd’hui que la punition est efficace. Or le sentiment d’humiliation (toujours associé à la punition) diminue la structure de l’hippocampe, lieu de la mémoire et de l’apprentissage dans le cerveau », explique Catherine Gueguen, pédiatre et auteur de Heureux d’apprendre à l’école. Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation (2018). Au contraire, les neurosciences prouveraient que l’empathie « permet à la substance grise et au cortex préfrontal du cerveau de l’enfant de se développer ». Une découverte qui est encore loin d’être appliquée à l’école, se désole la pédiatre qui alerte sur les nombreux cas de maltraitance scolaire : une copie déchirée, des paroles dures, des punitions… « Je constate les effets de ces méthodes lors de mes consultations. Les cabinets de psy sont pleins en partie en raison de cette violence éducative », dénonce-t-elle.
Arrêter la punition
Concrètement, Catherine Gueguen plaide pour l’arrêt de la punition qui « abîme le cerveau, très malléable de l’enfant, en empêchant le développement du cortex orbito-frontal, zone de l’empathie, des choix, du sens éthique et moral, et de la régulation des émotions ». De même, au lieu de mettre une mauvaise note, étiquetant l’enfant comme « médiocre », il faudrait le soutenir et l’encourager. Cette empathie ne risque-t-elle pas de tourner au laxisme ? « Cela n’a rien à voir, se défend la pédiatre. Il faut dire à l’enfant quand il a un comportement inadéquat mais en lui expliquant, sans l’humilier verbalement et le punir. »
Former les enseignants à l’empathie
Prendre en compte les émotions dans l’apprentissage demande un changement important des pratiques des enseignants. Certains s’assoient par exemple en rond avec leurs élèves le matin pour que chacun dise ce qu’il ressent : fatigue, stress, disputes… « Parler des émotions désagréables va calmer le cerveau et permettra un meilleur apprentissage », poursuit la pédiatre. De même, faire s’exprimer les enfants sur ce qu’ils ont éprouvé à la lecture d’un livre ou au visionnage d’un film permettrait au cerveau de se développer. La clé de ce changement de pratique repose sur l’empathie. Bien qu’innée, celle-ci peut être « en sommeil chez les adultes ayant subi des humiliations pendant l’enfance. Les enseignants touchés par cette forme de maltraitance vivent alors en état de stress vis-à-vis des autres, ce qui produit du cortisol, une hormone empêchant le développement de l’empathie », développe Catherine Gueguen. Ainsi, il serait essentiel de former les professeurs à l’empathie, en leur faisant prendre conscience de leurs propres émotions, de ce que leurs paroles suscitent chez les autres, etc. « Rien de tout cela n’existe dans leur formation, alors qu’une part énorme de leur travail relève de la relation à l’autre ! » s’étonne celle qui milite pour une « révolution éducative ».