Elena Pasquinelli
Quel est l’apport des neurosciences à l’école ?
Il y a un savoir stabilisé en neurosciences, auquel les enseignants doivent être formés. On sait par exemple que l’attention est une fonction qui a des limites. Ainsi, on ne peut pas réellement faire plusieurs choses à la fois : quand on réalise deux tâches en même temps, notre cerveau passe de l’une à l’autre et l’attention se perd. En tant qu’adulte nous avons automatisé certaines tâches, ce qui nous permet d’y parvenir.
Alterner lecture de texte et tests de mémoire pour mieux mémoriser.
Ainsi, quand on lit un texte, nous ne faisons plus l’effort de le décoder, et nous pouvons donc le lire et en même temps le comprendre, nous arrêter sur une tournure, sur l’effet que le texte fait sur nous… Alors que l’enfant, qui n’a pas encore automatisé sa lecture, est concentré sur une seule tache : le déchiffrage. Les neurosciences observent l’effort réalisé par le cerveau. Ces connaissances fondamentales deviennent utiles et intéressantes pour l’éducation car un enseignant qui connaît cette limite de l’attention de l’enfant adaptera ses méthodes d’apprentissage.
Ces découvertes sont-elles si révolutionnaires ?
Dans certains cas la science valide ce qui relève du bon sens. Mais elle permet aussi de démonter des idées reçues. Ainsi, une recherche (Mets-toi ça dans la tête ! Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives **) a montré que la technique la plus utilisée par les étudiants pour apprendre un texte était de le lire plusieurs fois. Or c’est l’une des plus inefficaces ! La simple relecture d’un texte fait jouer la mémoire à court terme, d’où le souvenir s’efface rapidement. La méthode la plus payante est d’alterner lecture du texte et tests de mémoire. En multipliant les tests, on crée en effet plusieurs « voies » pour arriver jusqu’au souvenir et on parcourt ces voies plusieurs fois. Cela permet de mieux mémoriser. Les neurosciences représentent une contribution supplémentaire que nous ne pouvons ignorer tant leurs progrès sont essentiels. Grâce à ces apports nous avons changé certaines visions du fonctionnement de l’enfant. Elles peuvent nous mettre sur une bonne voie pour instaurer des solutions d’apprentissage.
Peuvent-elles « sauver » l’école ?
Les neurosciences ne sont qu’une branche des sciences cognitives [qui ont pour objet de décrire, d’expliquer, voire de stimuler les processus de la connaissance, ndlr]. Elles relèvent de l’imagerie cérébrale et examinent, entre autres, les zones actives du cerveau lors d’une tâche réclamant de la concentration. Mais pour tirer de ces images une règle sur l’attention, on a besoin également de la psychologie, de la psychologie cognitive… Sans ces disciplines, l’imagerie est inutile. La fascination pour l’imagerie cérébrale peut faire croire qu’une « photo » du cerveau nous permet de tout comprendre. Or c’est bien plus complexe. L’imagerie cérébrale n’est pas un « cliché » de notre cerveau, elle n’est qu’une manière de représenter des données sous la forme d’une image du cerveau. Enfin, il y a un risque de « sur-vendre » les neurosciences, en donnant l’impression qu’elles vont apporter des méthodes d’apprentissage miracles, alors que leur utilité n’a pas encore été démontrée. La prudence reste donc de mise face à l’engouement actuel.
*auteur de « Du labo à l’école : science et apprentissage ? »
**auteurs : Brown, Rodeiger, Mc Daniel, 2016