La passeuse du laboratoire de recherche à l’école
Depuis 5 ans, Séverine Merlin-Conchin est conseillère pédagogique dans la circonscription de Blaye, près de Bordeaux. Concrètement, elle forme aux sciences cognitives des professeurs issus des 57 écoles du territoire, de la maternelle au CM2. D’abord enseignante pendant 20 ans dans des classes rurales, elle jongle avec deux, voire trois niveaux différents dans chaque classe, et se trouve « obligée de s’intéresser à l’attention, aux mécanismes de compréhension… pour être efficace », raconte-t-elle. « J’avais en outre cette appétence pour la science par ma formation en sciences et vie de la terre ». Séverine impulse donc des projets autour des sciences cognitives. Un inspecteur remarque son engouement pour le sujet et l’encourage à passer le diplôme de maître formateur afin de devenir conseillère pédagogique, puis à se former dans ce domaine.
Traduire les résultats de la recherche en pratiques pédagogiques
Séverine suit alors ses premières formations autour du cerveau auprès de spécialistes. « Une expérience très riche qui entrait en résonance avec les besoins du terrain », se souvient-elle. Aujourd’hui, son rôle est de traduire les résultats des recherches en applications concrètes pour les enseignants. Ainsi, certains regrettent que leurs élèves retiennent difficilement leurs leçons. Partant du fait que la mémoire fonctionne mieux si on l’utilise régulièrement, elle leur propose de mettre en place des exercices de vrai/faux récurrents et rapides, avant de commencer un cours ou à la fin d’une leçon. Autre exemple : pour mieux capter l’attention des élèves, elle préconise de découper les taches importantes en mini-missions. Ainsi, quand il s’agit pour l’élève d’écrire un texte, on planifie sa tâche en lui demandant par exemple : « quel personnage choisis-tu? », « dans quel décor? », etc.
Des dispositifs validés par un expert
« Ce travail de transcription est difficile, explique Séverine. Quand je crée un dispositif, je contacte souvent un spécialiste de la discipline pour valider mon intuition. » Son idée d’instaurer des exercices durant lesquels l’élève examinerait précisément son erreur, afin de mettre fin à de mauvais automatismes, s’est ainsi avérée une fausse piste : « Selon une spécialiste de la métacognition, cela risquait au contraire de faire mémoriser l’erreur ; il est préférable de faire ce genre d’exercice juste après que la faute ait été faite », précise-t-elle.
S’attaquer aux « neuromythes » diffusés sur internet.
Les 340 enseignants de son secteur sont plutôt preneurs de formation sur le sujet. En 2 ans, une centaine d’entre eux l’ont suivie. Une des missions de Séverine est aussi de s’attaquer aux « neuromythes » dus aux « mauvaises lectures, sur internet notamment ». Ainsi les idées selon lesquelles certains élèves auraient une mémoire visuelle, auditive, ou kinesthésique, ou encore la croyance que l’on pourrait « photographier » un mot simplement en le voyant écrit au tableau, sont fausses ! Faire le pont entre chercheurs et enseignants exige de se former continuellement. Séverine ne compte pas son temps passé à étudier les mystères du cerveau. Non pas dans les académies, qui manquent encore de spécialistes, mais via l’association La main à la pâte, des colloques, et « les 90 bouquins sur le sujet qui envahissent ma maison ! ».