L’école doit se saisir des avancées de la recherche
Quelles sont les racines de la crise de l’école ?
Il y a tout d’abord une crise enseignante puisque 88% des enseignants se sentent isolés et non épaulés par leur hiérarchie et les institutions. En outre, ils ne sont pas formés aux avancées de la recherche en éducation : leur formation continue est très faible. Résultat, un décalage se crée entre les évolutions rapides de la société, notamment le développement technologique, et l’école. Les enseignants se sentent également infantilisés, sans réelle marge de manœuvre pour innover dans leurs méthodes.
Quels sont les apports des neurosciences face à cette crise ?
Avant toute chose, rappelons que les neurosciences ne sont pas une baguette magique ! Néanmoins, en nous apprenant les règles de fonctionnement de notre cerveau, elles sont un atout indéniable pour l’éducation.
L’éducation nationale a perdu la confiance des enseignants.
Ainsi on sait que le manque de sommeil ou le stress inhibent l’apprentissage. Ou encore que nous avons des biais cognitifs qui nous induisent en erreur et qu’il faut corriger… On connaît aussi l’importance de la motivation ou de l’évaluation bienveillante dans le mécanisme d’apprentissage. Certes, ces connaissances correspondent parfois à des intuitions fortes et anciennes de certains pédagogues. Mais les neurosciences viennent les conforter, et convaincre encore davantage.
Enseigner est-il une science ?
Comme la médecine, l’éducation est un art singulier de la relation, mais elle s’appuie aussi sur ce que l’on sait. Beaucoup de sciences la nourrissent : les sciences du numérique, la psychologie… Bien sûr, une salle de classe n’est pas un laboratoire et beaucoup d’éléments, tels que le stress qu’un enfant peut vivre chez lui, échappent à la science.
Aujourd’hui, des enseignants expérimentent des méthodes à partir des neurosciences. Qu’en dites-vous ?
Contrairement à la médecine ou à n’importe quelle entreprise, l’éducation n’insiste pas suffisamment sur le rôle de la recherche, pourtant vitale pour progresser. Cette recherche ne doit pas être descendante, menée dans les laboratoires puis imposée par le ministère aux salles de classe. Nous avons besoin de co-construction et d’interdisciplinarité dans ce domaine, en incluant les enseignants. Ne pas se saisir des apports de la recherche, et plus particulièrement des neurosciences, nous a mené à la situation actuelle de l’école française. En Asie ou en Europe du nord, les enseignants sont formés à s’emparer des apports de la recherche ; au sein même des écoles, des groupes de travail se penchent sur le cas des élèves en difficulté, dyslexiques, dyspraxiques… à la lumière des neurosciences.
Comment faire pour que les enseignants se saisissent des neurosciences ?
Il faut réformer leur formation, leur permettre d’identifier les marges de progression de leur classe et de leurs méthodes via des évaluations régulières, créer des espaces de dialogue entre enseignants pour discuter des méthodes utilisées… Pour cela, l’éducation nationale doit les accompagner. Mais l’institution a perdu la confiance des enseignants et ne mène pas de réelle politique de ressources humaines. Elle se contente de gérer les mutations et les progressions de salaire sans réfléchir à la manière dont chaque enseignant peut se développer, progresser…