La crise de l’école vient questionner les méthodes d’apprentissage
Face à la crise de l’école française, les neurosciences sont mobilisées par le ministre de l’Education nationale. En observant le fonctionnement du cerveau, celles-ci donneraient des clés pour promouvoir des méthodes d’apprentissage plus efficaces.
Qu’il s’agisse de la lecture ou des mathématiques, le niveau des élèves ne cesse de baisser. D’après l’étude Pirls 2016, le score moyen des 9-10 ans pour la lecture se situe à la 34e place, soit dans le peloton de queue du classement européen, juste avant la Belgique francophone et Malte. Un score qui se dégrade sans discontinuer depuis 2001. L’école française est en outre considérée comme l’une des plus inégalitaires d’Europe : ainsi, 48% de ces décrocheurs sont des enfants d’ouvriers. En bref, les bons élèves s’en sortent tandis que les plus en difficulté ne sont pas « rattrapés » par l’école.
Création d’un conseil scientifique de l’éducation nationale
Parallèlement, les progrès accomplis ces dernières années par les neurosciences nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau : quels mécanismes encouragent la curiosité, facilitent l’apprentissage, boostent la mémoire ? Pour le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, cette discipline révolutionnaire doit permettre de réformer les méthodes d’apprentissage. C’est la raison pour laquelle il a créé en janvier 2018 un conseil scientifique de l’éducation nationale, composé en majorité de neuroscientifiques, afin que leurs découvertes irriguent progressivement l’école.
Le cerveau est l’angle mort de l’éducation nationale.
L’intérêt porté au cerveau de l’enfant apprenant n’est pas nouveau. Déjà, au XXe siècle, des pédagogues comme Maria Montessori en Italie ou Célestin Freinet en France s’y sont intéressés. Plus loin encore, Platon ou Rousseau réfléchissaient au processus d’apprentissage. « Traiter de la façon d’élever et d’éduquer les enfants semble être la chose la plus importante et la plus difficile de toute la science humaine », écrivait Montaigne dans ses Essais en 1580. Mais jusqu’ici on manquait de moyens pour observer le cerveau. On s’en tenait à l’observation de cerveaux conservés dans du formol, ou à l’électro-encéphalogramme dont les ondes demeuraient peu claires car elles étaient enregistrées sur le crâne et pas directement sur le cerveau. L’arrivée de l’imagerie cérébrale par IRM (imagerie par résonnance magnétique), qui permet d’observer sur des images numériques la structure et l’activité du cerveau d’une personne vivante, « est l’une des plus importantes révolutions scientifiques survenues au tournant des XXe et XXIe siècles », affirme Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’université Paris Descartes et auteur de L’école du cerveau (2018). « Or ce cerveau est l’angle mort de l’éducation nationale. On enseigne encore aujourd’hui “en aveugle” à des millions de cerveaux », regrette-il, plaidant pour une « neuro-pédagogie » pratiquée par des professeurs qui connaissent les lois du cerveau des jeunes élèves et soient donc capables d’adapter leurs méthodes d’apprentissage.
Des principes fondamentaux à respecter pour être plus efficace
Que nous apprennent les neurosciences ? Notamment que les bébés ne viennent pas au monde comme des pages vierges, mais avec un riche savoir. « Leurs circuits neuronaux sont bien organisés, ce qui leur confère des intuitions fortes dans toutes sortes de domaines : objets, personnes, temps, espace, nombre… », explique ainsi Stanislas Dehaene, titulaire de la chaire de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France et auteur de Apprendre ! (septembre 2018). Appuyons-nous sur les intuitions précoces des enfants : chaque mot, symbole, même abstrait, doit venir se connecter à des connaissances préalables », préconise-t-il. Quatre piliers, qui maximisent la vitesse de l’apprentissage, sont également identifiés par ces sciences : l’attention, l’engagement actif (ou curiosité), le retour sur erreur, la consolidation. Le rôle clé du sommeil est également prouvé : il ne peut être considéré comme « une simple période d’inactivité ou de nettoyage des déchets que le cerveau a accumulés pendant la journée. Pendant que nous dormons, notre cerveau se remémore les événements importants qu’il a enregistrés la veille et les transfère progressivement à un compartiment de notre mémoire », explique Stanislas Dehaene. De même, l’observation du cerveau confirme l’importance du geste d’écriture pour apprendre à lire, ou encore condamne la méthode globale pour lui préférer un apprentissage syllabique des mots, plus adapté aux mécanismes de décodage du cerveau.