« Gilets jaunes » : sortir de la crise
En l’espace de deux semaines, la mobilisation des Gilets jaunes a pris un tour totalement inattendu. La grogne contre la hausse des prix du carburant s’est transformée en crise politique, après une journée entière de guérilla urbaine entre manifestants et forces de l’ordre, principalement dans la capitale, mais aussi dans le reste du pays.
La grogne contre la hausse des prix du carburant s’est transformée en crise politique, après une journée entière de guérilla urbaine entre manifestants et forces de l’ordre, principalement dans la capitale, mais aussi dans le reste du pays. Le gouvernement, totalement pris au dépourvu, doit désormais rapidement déminer la situation avant que les troubles ne s’aggravent et ne mènent à une véritable paralysie du pays. Majorité comme opposition doivent faire preuve d’humilité face cette contestation inédite.
D’abord centrées sur la fiscalité écologique, les revendications se sont maintenant élargies au reste du champ politique. On peut citer pêle-mêle la hausse du salaire minimum, des impôts pour les plus fortunés, l’instauration d’un référendum d’initiative populaire ou de la proportionnelle aux élections législatives.
Mais en l’absence d’organisation claire et de leader reconnu, impossible de savoir ce que pensent réellement les Gilets jaunes et dans quelle mesure ces propositions font consensus au sein du mouvement. Plus gênant, nombre d’entre elles sont en contradiction totale avec la politique menée par Emmanuel Macron, qui, faut-il le rappeler, jouit sans aucune contestation possible de la légitimité démocratique.
Car c’est bien là que le bât blesse. Personne ne conteste la détresse d’une partie du peuple ni la pertinence de certaines de ses demandes, mais il faut aussi regarder la réalité en face : le mouvement des Gilets jaunes n’est pas un mouvement de masse, même s’il est soutenu par l’opinion publique. Sur la journée de samedi, ce sont 100 000 personnes qui se sont mobilisées, une fraction très réduite de la population. C’est le mode d’action suivi, la multiplication d’actions spectaculaires et violentes à travers le territoire, qui crée un sentiment de chaos et de révolte, bien aidé en cela par la couverture en continu des chaînes d’information. Il y avait à Paris autant de forces de l’ordre que de manifestants. Si les Gilets jaunes sont l’illustration d’un vrai malaise dans la société, leurs revendications ne sont pas nécessairement celles d’une majorité de Français.
Les réactions d’une certaine frange de l’opposition sont à ce titre assez scandaleuses. Appeler à la dissolution de l’Assemblée nationale, voire à la démission du chef de l’État, alors même que celui-ci n’a même pas terminé deux ans de son mandat est irresponsable. Dans quel genre de démocratie quelques dizaines de milliers de personnes peuvent-elles révoquer le suffrage de millions en fracassant des vitrines et en attaquant les policiers ? 2018 n’est pas 1789, et Emmanuel Macron n’est pas Louis XVI. Rendre le pays ingouvernable ne profitera à personne, pas même à ceux qui soufflent actuellement sur les braises.
Si le Président et sa majorité portent indubitablement une responsabilité dans la crise actuelle, il serait malhonnête de réduire le mécontentement à cette première année de mandat. Ce sont des décennies d’inaction qui sont aujourd’hui pointées du doigt, ainsi qu’un modèle perçu comme injuste en ce qu’il demande des efforts conséquents à chacun sans délivrer les services attendus de manière égalitaire et efficace. Cette mobilisation est celle d’une France qui se sent méprisée et oubliée, à tort ou à raison, et l’on ne peut effectivement l’ignorer. Il faut désormais lui donner un débouché politique pour que la tension retombe et que de véritables drames humains, plus seulement matériels, soient évités.
Il incombe maintenant à chacun de prendre ses responsabilités. La posture mutique du pouvoir et son apparente inflexibilité ne sont plus tenables. Quelle que soit la solution envisagée, il faut donner un signal à cette France qui souffre, quite, effectivement, à s’écarter temporairement de la trajectoire budgétaire prévue et quitte à travailler pour cela avec la partie de l’opposition qui le souhaite.
Dans le même temps, le gouvernement serait mal avisé de changer son cap. D’abord parce que cela le discréditerait auprès de ses électeurs qui sont le peu de soutien qu’il lui reste, ensuite parce qu’il lui a été donné un mandat de cinq ans pour mener à son terme la transformation promise. Le pire pour le pays serait que cette crise se mue en paralysie politique. Nul n’y trouverait son compte, à commencer par les Gilets jaunes dont le seul véritable espoir réside dans l’amélioration durable de la situation économique et de l’emploi.