Indicateurs de richesse : à la poursuite du bonheur
Lancés par l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais, les indicateurs complémentaires au PIB se sont aujourd’hui institutionnalisés. Les collectivités peuvent ainsi mesurer bien-être et progrès sur leur territoire.
Le Produit intérieur brut (PIB) ne permet pas de mesurer le « bonheur ». Suivant cet indicateur, qui ne comptabilise que les flux, un pays peut ainsi posséder un patrimoine naturel, culturel ou social considérable, mais s’il ne l’exploite pas pour générer un revenu monétaire, il est considéré comme pauvre. Inversement, si un pays surexploite, dégrade et même détruit ce patrimoine, le PIB n’en rend pas compte. De même, ce baromètre est indifférent à la nature de l’activité génératrice de revenus : le trafic de drogue, par exemple, rentre dans le calcul du PIB. A contrario, de nombreuses activités qui contribuent au bien-être ne sont pas comptées dans le PIB, telles le bénévolat (or près d’un quart des Français sont bénévoles). Cet indicateur ne dit rien non plus des inégalités dans la distribution des revenus. Comment, dès lors, orienter et évaluer les politiques publiques territoriales dans le sens des objectifs poursuivis par l’ESS ?
Mettre fin au dictat du Produit intérieur brut
En 2010, l’ancienne Association des régions de France (aujourd’hui Régions de France) a décidé de doter ces collectivités territoriales de nouveaux indicateurs complémentaires au PIB. Objectif : mettre fin au dictat du PIB. L’ARF s’est alors inspirée des travaux novateurs d’une collectivité territoriale, pionnière en la matière : l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais (aujourd’hui Hauts-de-France).
Trois indicateurs « humains et durables » en complément au PIB.
Dans le cadre d’un programme intitulé « Indicateurs 21 », co-construit avec les citoyens sous la houlette de l’économiste Jean Gadrey à partir de 2003, la région s’est appuyée sur les indicateurs mis en œuvre par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), en les déclinant à l’échelle locale. Ces indicateurs « humains et durables » sont au nombre de quatre. L’indicateur de développement humain (IDH-2) croise les dimensions santé, éducation et niveau de vie du développement humain défini par le PNUD. L’indicateur régional de santé sociale (ISS) résume, en quelques variables, comme l’éducation, la justice, les revenus, le travail et l’emploi, l’aspect multidimensionnel de la santé sociale des régions. L’empreinte écologique mesure la pression exercée par l’homme sur la nature. Enfin, l’indicateur de participation des femmes à la vie économique et politique (IPF) évalue, comme son nom l’indique, la parité femme-homme.
Mesurer les progrès du bien-être et de la santé sociale
Sur ces quatre indicateurs expérimentés par la région Nord-Pas-de-Calais, l’ARF en a retenus trois : l’IDH-2, l’ISS et l’empreinte écologique, auxquels s’ajoute un tableau de bord de 22 indicateurs de développement durable. Puis, en 2014, l’ARF a signé une convention avec l’Insee. L’Institut national de la statistique et des études économiques s’est engagé à fournir aux régions les données pour leur permettre de calculer et d’actualiser (tous les ans, sauf pour l’empreinte écologique, tous les 5 ans) leurs indicateurs. Autant d’outils précieux dans la mise en œuvre des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Comme le souligne Jean Gadrey : « À partir d’un certain niveau de richesse matérielle, les progrès du bien-être et de la santé sociale tiennent à d’autres facteurs et d’autres politiques que la poursuite de la croissance ».