Redonner du sens à la société avec l’économie sociale et solidaire
Parce qu’elle remet l’humain au cœur de l’économie, tout en allégeant notre empreinte écologique, l’économie sociale et solidaire (ESS) répond à notre quête de sens.
« La biodiversité est indispensable à la vie. Il en est de même en matière d’économie : l’ESS est une autre façon, complémentaire au modèle classique, de faire de l’économie », remarque Marie-Martine Lips, présidente du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CNCRESS). Cette économie « sociale » se définit par les statuts des structures qui la composent : associations, coopératives, mutuelles et fondations. À ces quatre statuts s’ajoutent les sociétés commerciales qui peuvent demander l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) afin d’être reconnues comme parties intégrantes de l’ESS. Toutes ces structures défendent la priorité de l’humain sur le capital et impliquent une gestion collective.
Sociale, solidaire et écologique, l’ESS est aussi locale.
Les bénéfices sont réinvestis dans de nouveaux projets ou redistribués à leurs membres, et ne sont pas destinés à l’accumulation de richesses individuelles. Pour autant, comme le précise Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS, « si, à la différence des entreprises de l’économie capitaliste, les structures de l’ESS n’ont pas pour seule fin en soi de faire du profit à court terme dans l’optique d’être rachetées par un fonds de pension étranger, elles doivent équilibrer leurs comptes et dégager des excédents ». En plus, ce modèle économique est basé sur l’intelligence collective. L’accent est mis sur la coopération, le partage et la solidarité, et non sur la concurrence entre les individus. L’ESS prône une gouvernance participative, respectueuse de tous les salariés, orientée vers une prise de décision démocratique. L’équation n’est plus « Je détiens 51% du capital, donc j’ai 51% des voix », mais « Une personne égale une voix ».
Des racines remontant au XIXe siècle
Le Labo de l’ESS rappelle que « l’économie sociale plonge ses racines dans le mouvement ouvrier du XIXe siècle et sa résistance à la logique productiviste de la révolution industrielle. Face à leurs conditions de vie précaires, les travailleurs, inspirés par des penseurs du socialisme utopique, se sont organisés pour créer des sociétés de secours mutuels, des comptoirs alimentaires et des coopératives de production ». Cette économie est aussi « solidaire » dans le sens où l’ESS est un modèle inclusif. Comme le Labo de l’ESS le retrace, ce modèle économique « naît dans les années 1970 pour répondre aux besoins des populations touchées par le chômage et l’exclusion. Et ce, à travers les structures d’insertion par l’activité économique et l’entreprenariat social. Par ailleurs, ils proposent des façons de produire, de consommer et d’échanger plus justes, via le commerce équitable ou le maintien d’une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement ».
Au-delà du social et de la solidarité
Le champ d’intervention de l’ESS est très vaste et s’inscrit, depuis les années 1980, dans l’écologie, preuve de la forte capacité d’innovation de cette économie. Parmi ces champs d’intervention : transition énergétique, agriculture et alimentation durable, initiatives pionnières dans le travail et l’emploi, mobilité douce, finance solidaire, ou encore services à la personne. Sociale, solidaire et écologique, ce modèle est enfin local. Dans un monde globalisé, l’ancrage territorial de l’activité économique intègre les besoins de chaque territoire et la nécessité de prendre en compte leurs spécificités, tout en créant des emplois non délocalisables.
Des nombreux défis à relever
Autant de particularités officialisées dans la loi relative à l’ESS de juillet 2014 dite « Loi Hamon ». Mais, quatre ans après, force est de constater que l’ESS se trouve confrontée à plusieurs défis, dont le principal concerne le changement d’échelle. « Si les acteurs de l’économie sociale et solidaire se regroupaient, l’ESS pèserait plus lourd, souligne Hugues Sibille. Il faudrait aussi développer des stratégies de filières, particulièrement des secteurs porteurs et en mutation, tels le maintien à domicile des personnes âgées, le recyclage des déchets et l’économie collaborative via internet. Troisième défi : la création d’écosystèmes régionaux pour renforcer la coopération entre les acteurs de cette économie de proximité ». Il s’agit ainsi de consolider l’influence des structures de l’ESS auprès des médias, des administrations publiques et des autres acteurs économiques ; de leur permettre de tenir dans la durée ; d’essaimer les initiatives ; enfin, d’accroître la visibilité de cette économie. L’enjeu est considérable, car l’ESS est porteuse d’avenir et de sens.