Les renouvelables, un choix politique et technique
La montée en puissance des EnR serait « irréversible » selon l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Elle obligera à garantir un stockage efficace et un recyclage des matériaux utilisés dans les EnR.
Depuis le début des années 2000, sous l’impulsion des politiques climatiques européennes, les gouvernements français successifs ont cherché à faire monter la part des EnR dans le bouquet énergétique. Mais la focalisation sur l’électricité et les nombreux virages politiques ont largement été préjudiciables à leur développement. Ainsi, les mécanismes de soutien (tarifs d’achat, appels d’offres) ont varié au fil du temps avec des stop-and-go plongeant souvent la filière dans le désarroi. Un manque de cohérence et d’efficience de la politique de soutien d’ailleurs souligné dans un rapport de la Cour des comptes en avril dernier. Pourtant, la France est favorablement dotée pour accueillir toutes les filières technologiques. Ainsi, le pays dispose du deuxième gisement éolien d’Europe, du cinquième pour l’ensoleillement. L’hydroélectricité, abondante, y est déjà largement développée. Mais la France est aussi, grâce à l’outre-mer, la deuxième zone économique exclusive maritime mondiale pour implanter des énergies marines, sans oublier le gisement géothermique et une vaste ressource forestière.
Le tournant de 2015
La LTECV de 2015 a été déterminante en imposant des objectifs plus ambitieux que ceux du cadre européen, donnant ainsi de la visibilité à la filière. L’objectif de 32% d’EnR dans le mix énergétique en 2030 a ainsi été gravé dans le marbre. Avec la LTECV, la France dispose d’un outil spécifique de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixant des objectifs pour chaque EnR jusqu’en 2023. La PPE, en débat cette année, prendra la relève en donnant de la visibilité jusqu’en 2028. La LTECV s’est aussi penchée sur les territoires où l’énergie coûte cher, de la Corse à l’outre-mer, en mettant en place des PPE spécifiques à ces zones particulièrement favorables à l’implantation des EnR solaires, éoliennes et géothermiques. Elle a aussi boosté les EnR électriques en apportant un calendrier d’appels d’offres, en autorisant l’autoconsommation, et en l’ouvrant au financement participatif, dont s’emparent aujourd’hui les particuliers et les collectivités. Enfin, elle a lancé un vaste chantier de simplification administrative que le gouvernement actuel a amplifié. Ce dernier a ainsi créé des ateliers thématiques pour débloquer certains freins au développement de ces filières, avec d’ores et déjà des résultats salués par la profession. La fin des fossiles et la baisse de la part du nucléaire confirmées par le gouvernement devraient constituer un levier supplémentaire pour leur développement.
Un marché instable
La filière des renouvelables a longtemps été portée par des producteurs indépendants contre les grands énergéticiens. Ces PME ont réussi en France, mais surtout sur un plan mondial, à créer une véritable industrie. Progrès technologiques aidant, une baisse des coûts a été enregistrée à une rapidité à laquelle même la profession ne s’attendait pas.
Le pays dispose du deuxième gisement éolien d’Europe et du cinquième pour l’ensoleillement.
Les derniers appels d’offres montrent que les prix du kWh solaire et éolien se rapprochent désormais de ceux des énergies fossiles. Dans le même temps, une concentration des acteurs s’opère et les énergéticiens mettent la pression sur les producteurs indépendants. EDF a annoncé cette année son ambition d’implanter 30 GW solaires d’ici 2030. Total, qui a fait son entrée dans l’électricité, vise les 10 GW à ce même horizon et a racheté Eren et Quadran, dans l’éolien. Engie, premier producteur éolien de France, se déploie dans le solaire.
Un bémol à l’enthousiasme global
Les EnR s’imposent comme des instruments performants pour réduire l’empreinte carbone et semblent parés de toutes les vertus. Néanmoins, la majeure partie des EnR et du stockage, qui permettent aux véhicules électriques d’exister et aux EnR de faire face à leur variabilité, consomment ce qu’on appelle des « terres rares ». Or, ces lithium, gallium, indium, cérium, scandium, yttrium, etc., sont très majoritairement importés de Chine et risquent de déséquilibrer la balance commerciale. En outre, leur extraction et leur raffinage sont terriblement sales et coûteux. Luc Ferry, dans une tribune au Figaro en mars dernier, alerte sur cette délocalisation qui pose une série de problèmes environnementaux, mais aussi de souveraineté économique et politique : « S’ils ne sont pas résolus, ils vont rendre la transition énergétique plus que problématique, car dans l’état actuel des choses, elle serait sans doute plus polluante et plus coûteuse que le statu quo ante. » D’où la nécessité de garantir un recyclage efficace des matériaux utilisés dans les EnR et le stockage.
De nouveaux métiers liés aux EnR
La majorité des métiers liés aux EnR ne sont pas spécifiques à ce secteur, mais souvent adaptés. Néanmoins, la nature même des EnR et leur caractère local génèrent l’apparition de nouveaux métiers, souvent adossés au numérique. Le plus marquant est celui d’agrégateur. Il apporte de la flexibilité au système électrique en agrégeant un grand nombre de sites de « consomm’acteurs ». Dans l’autoconsommation collective, il faudra un organisateur des flux chargé de l’interface entre production et demande. Les gestionnaires de données pour analyser et piloter la multiplicité des productions auront également une place de choix dans le secteur.