Portrait de… Olivier Brisson, la passion des autres…
Ancien directeur France de Church’s, le fabricant de chaussures britannique, Olivier Brisson est aujourd’hui avocat. Avec passion et énergie, il défend les étrangers devant la CNDA.
Ce matin-là, le métro est en rade. Olivier Brisson, qui a une audience à 9 heures à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) à Montreuil, saute de bus en bus, tout en tapotant des SMS en mitraillette pour rassurer sa cliente qui l’attend. Natalia est ukrainienne et elle semble terrorisée par son audition. Aussi, lorsqu’il arrive enfin – sa besace en cuir à l’épaule et sa robe noire sous le bras – il plante ses yeux bleus dans les siens, lui prend le bras, et là, comme par magie, tout s’apaise.
De villes en villes pour connaître les gens
Natalia a fui son pays car elle était la cible d’une vendetta après un accident de la route mortel. Olivier Brisson connaît très bien son histoire, car contrairement à un certain nombre de ses collègues, c’est un avocat « à l’ancienne » qui se déplace en province pour rencontrer ses clients. « Ça me prend beaucoup de temps, j’y vais une fois par semaine, mais c’est essentiel pour moi de les écouter », explique-t-il, placide.
C’est très compliqué de gagner à la CNDA
Dans la salle d’audience, moderne et lumineuse, l’avocat et sa cliente sont placés côte à côte. Face à eux : une juge – unique car Natalia est placée en procédure accélérée – une secrétaire et un rapporteur.
Les questions s’enchaînent, la pression monte, mais Natalia tient le coup. Olivier Brisson, lui, s’agace un peu du parti pris du rapporteur. Alors il lève les yeux au ciel. Au moment de la plaidoirie, il démontera certains arguments et donnera du sens aux propos de Natalia. Il demandera avec ferveur la « protection subsidiaire », même s’il reconnaît en aparté « que cela ne sera pas facile ».
Des victoires qui le font tenir
« C’est très compliqué de gagner à la CNDA, concède-t-il. Dans trois cas sur quatre, j’appelle les gens pour leur annoncer une mauvaise nouvelle, mais lorsque je peux dire que le statut de réfugié a été accordé, j’entends des cris de joie pendant un quart d’heure au bout du fil… Ce sont ces moments qui me font tenir. »
Devenu avocat à 57 ans, après avoir été directeur France des souliers de luxe Church’s, il s’imaginait au départ faire du pénal ou des prud’hommes. Mais finalement, ce sera du droit des étrangers, une matière qu’il découvre en assurant des permanences gratuites dans le bus du « Barreau de Paris » qui sillonne la capitale le soir venu. « Les trois quarts des personnes qui venaient nous demander de l’aide étaient des étrangers », raconte-t-il.
Aujourd’hui, Olivier Brisson ne cache pas son désarroi face à la loi Asile et Immigration. Délai de recours réduit, recours non-suspensifs pour certains demandeurs d’asile, audiences en vidéo-projection généralisées : « des mesures qui viennent déshumaniser un peu plus ces hommes et ces femmes. Certains n’ont pas les mots, les codes, pour bien raconter leur histoire, mais cela ne veut pas dire pour autant que c’est faux », s’attriste-t-il.
À la sortie de l’audience, une interprète qui le connaît très bien – il l’a aidée à devenir française – lui demande un service : aider un jeune Soudanais lâché par son avocat le matin même… par SMS. Il est débordé, mais il prend l’affaire quand même.
INFO+
En 2001, le groupe Prada rachète l’entreprise britannique Church’s. Olivier Brisson en profite pour entreprendre une reconversion. Après 6 ans de formation, il prête serment en 2007 à 57 ans.