« L’État doit prendre sa part du combat contre les incivilités »
Dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, David Lisnard, le maire de Cannes, et Jean-Michel Arnaud, le vice-président de Publicis Consultants, demandent à l’État de mettre en place « une politique de civisme ».
« Garer son véhicule sur une place réservée aux personnes handicapées, jeter sauvagement des déchets, tagger un mur, trafiquer son pot d’échappement et réveiller tout un quartier, frauder dans les transports en commun, ne pas ramasser les déjections de son chien… Derrière toutes ces incivilités se cache le même mépris pour autrui et pour les règles de la vie en société. Sont-elles une fatalité ? Nous sommes convaincus du contraire. Mais les mesures prises pour les combattre sont très souvent insuffisantes.
Il faut bien comprendre le problème pour se donner les moyens de le régler. Toutes les incivilités ne sont pas de même nature. Certaines sont commises par négligence ou par ignorance, sans intention de nuire. Elles relèvent de l’impolitesse. Il n’est pas poli de ne pas céder sa place dans le bus, mais ce n’est pas répréhensible. D’autres -comme la profération d’insultes et les nuisances- rentrent dans la catégorie des infractions pénales.
Le lien entre incivilités et insécurité existe, mais il n’est pas systématique. Les incivilités traduisent la détérioration du lien social, mais aussi la montée d’un consumérisme de l’espace public qui fait fi de la responsabilité individuelle dans la cité. C’est le symptôme d’une crise de la citoyenneté. On ne sent plus lié par les règles et usages communs qui permettent non seulement de bien vivre en société mais aussi de faire nation. Derrière la lutte contre les incivilités se cache donc un enjeu majeur pour notre démocratie. Car il n’est pas de liberté sans responsabilité.
Les campagnes de sensibilisation ont une portée limitée et les incivilités ne constituent hélas pas la priorité d’un appareil judiciaire débordé, ou d’un pouvoir politique démissionnaire. Le risque est alors que la sanction promise ne soit jamais appliquée, provoquant un sentiment d’impunité. Il convient aussi d’appréhender la dimension sociale des incivilités. Ce n’est pas la peur de la sanction qui doit motiver le respect des règles, mais le sentiment que ces règles sont les nôtres et qu’elles nous permettent de vivre en harmonie. Nous avons un besoin urgent d’une politique de civisme. C’est en abordant ces différents aspects de front, et simultanément, que des résultats peuvent être obtenus. De plus en plus de communes se mobilisent.
Cannes, qui a fait de la lutte contre les incivilités la cause municipale, s’y emploie. La ville allie une répression forte -assumée et expliquée- à la remise en état très rapide des lieux dégradés pour alimenter un cercle vertueux de respect des espaces publics embellis et développer les lieux de rencontre. Ceci sans oublier la prévention et l’engagement civique par des campagnes de sensibilisation, une application mobile pour signaler les dégradations, des réseaux citoyens. Enfin, la transmission à tous les élèves, de la maternelle au supérieur, d’une éducation artistique et culturelle constitue un catalyseur de sentiment commun d’appartenance à la collectivité. Le travail reste immense et s’apparente au rocher de Sisyphe ! Trop d’incivilités perdurent. Mais cette politique porte ses fruits. Les dépenses de la ville liées aux incivilités ont baissé sur trois ans de 2 millions d’euros.
L’État doit prendre sa part du combat, d’abord en donnant (enfin) des directives claires aux forces de l’ordre nationales sur le sujet, ensuite en remettant la vertu civique au cœur du contrat social. À commencer par celle des gouvernants. Le renouveau civique exige en effet l’honnêteté des dirigeants et le respect de la parole publique, pour restaurer la confiance des Français et leur foi en un destin collectif. Les incivilités détruisent notre cadre de vie, nuisent à l’image de notre pays, coûtent cher aux contribuables, dégradent les finances publiques, révèlent une société malade. »