Refugeek : le programme qui forme les réfugiés au code
À Montreuil, l’école Simplon.co forme des réfugiés au code informatique. En trois ans d’existence et un taux d’insertion professionnelle de 87%, l’école a ouvert des antennes un peu partout.
Des murs décorés avec des post-it fluos, un sol brut en béton gris et de larges baies vitrées donnant sur une petite cour pavée : c’est ici, au cœur d’un ancien studio de cinéma de Montreuil (Seine-Saint-Denis), que sont formés aux métiers du Web plusieurs dizaines de réfugiés. A l’issue de leur cursus (10 mois minimum), près de 87% d’entre eux trouveront un job.
Montagnes russes émotionnelles
« Notre métier, c’est l’insertion par le numérique, c’est-à-dire de ramener des gens vers l’emploi (chômeurs, décrocheurs scolaires, séniors) via nos formations au code », explique Frédéric Bardeau, le président et co-fondateur de l’école Simplon.co. « Et lorsque la crise des réfugiés syriens a éclaté, une personne de l’équipe a dit : ‘si nous ne sommes pas capables d’intégrer les réfugiés, alors on est nuls’. C’est comme cela que l’aventure a commencé ! »
Un programme pilote Refugeek est lancé à l’automne 2015, grâce à des mécènes (la Fondation Total, Accenture et BNP Paribas). « Il est clair que cette première promo a essuyé les plâtres. Nous avons fait plusieurs erreurs, comme de donner les cours de français et de code en même temps, ce qui objectivement n’était pas une bonne idée, mais aussi de constituer une promo composée exclusivement de réfugiés car au bout de quelques semaines, certains se sont sentis stigmatisés », relate le patron de Simplon.co.
Un premier essai vécu par tous – accompagnateurs et élèves – comme des « montagnes russes émotionnelles », mais avec à la clef le succès escompté puisque les 20 premiers « apprenants » ont décroché un emploi : certains sont développeurs web dans des grandes entreprises (BNP Paribas, Total ou Accenture), alors que d’autres ont créé leur propre « boîte ».
Un dispositif soutenu par Pôle Emploi, l’Intérieur et la Région
Après quelques ajustements (aujourd’hui les réfugiés suivent déjà des cours de français intensifs pendant plusieurs mois et les promos sont mixtes, mélangeant réfugiés et autres apprenants), Simplon.co est parvenu à pérenniser sa formation. Et fini le mécénat, puisque l’école dispose maintenant du soutien financier du ministère de l’Intérieur, de Pôle Emploi et de la Région. En presque trois ans, 50 réfugiés ont ainsi été formés et près de 150 sont actuellement en cours d’apprentissage dans les différentes antennes de Simplon.co, en Ile-de-France et bientôt dans quelques grandes villes françaises.
Avec un taux d’insertion professionnelle qui atteint les 87%, le message s’est également répandu comme une traînée de poudre parmi les réfugiés. « Au départ, nous avons fait un gros travail pour nous faire connaître auprès des réfugiés, nous avons collaboré avec les centres d’hébergement et les associations. Mais aujourd’hui, le bouche à oreille fonctionne très bien », raconte Frédéric Bardeau. Désormais, à chaque session, il doit trier les demandes.
L’effet miroir
Enfin, le « mixage » des promos se révèle au fil des mois une véritable richesse pour l’école. « Cela nous apporte de l’altérité, de la puissance et de la solidarité. Et pour nos jeunes décrocheurs qui ont l’impression de ne pas avoir eu de chance dans la vie, le fait de se retrouver avec des réfugiés qui ont traversé la Méditerranée sur une barque, l’effet miroir est très fort », conclut Frédéric Bardeau.
Émilie Denètre