Centres de rétention : pourquoi cela ne marche pas ?
Parmi les migrants visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), près de la moitié sont arrêtés et placés dans des centres de rétention administratifs (CRA). Les personnes qui s’y trouvent peuvent circuler librement dans le bâtiment, disposent de chambres collectives, d’une cantine et d’un téléphone pour cinquante personnes.
En attendant que l’administration les renvoie dans leur pays d’origine quand cela est possible. Dans le cas contraire, ils sont tout simplement relâchés. Ces centres, précise Nicolas Fischer, chargé de recherche au CNRS, sont des institutions « ni punitives ni judiciaires ». La privation de liberté ayant été décidée par l’administration, et non par un juge.
Les expulsions se font dans les cinq à dix jours
Selon les chiffres donnés par le sénateur LR du Rhône, François-Noël Buffet, qui a rendu un avis sur la question l’hiver dernier, plus d’un étranger sur deux placé en CRA n’est pas expulsé durant sa rétention administrative, soit parce que son OQTF est annulée par le juge administratif, soit parce que l’administration n’a pas été en mesure d’organiser son éloignement dans les délais impartis.
La nouvelle loi qui passe le délai de rétention de 45 à 90 jours changera-t-elle la donne ? « Les personnes qui sont renvoyées dans leur pays d’origine le sont généralement dans les cinq à dix premiers jours de la rétention. En clair : soit cela fonctionne rapidement, soit ça ne marche pas », affirme le chercheur Nicolas Fischer.
Réadmission et enjeux diplomatiques
En effet, pour expulser un étranger hors de France, il faut déjà qu’il soit accepté par son supposé pays d’origine. « Pour voyager, il faut des papiers d’identité », rappelle Nicolas Fischer, qui pointe la difficulté pour les policiers de l’Air et des Frontières – en charge des CRA – de mettre la main sur ces documents (qu’ils aient été perdus ou détruits volontairement par les retenus).
Présentés dans les consulats, ces derniers sont acceptés ou refusés par les États souverains, qui n’hésitent pas pour certains à jouer de ce levier pour négocier avec la France des contreparties financières. Des enjeux diplomatiques qui dépassent donc la seule question de la durée de rétention.
En revanche, l’allongement de la durée de rétention dans les CRA, dont le taux d’occupation frôle les 100%, risque de créer des problèmes de surpopulation, et donc d’augmenter les tensions entre retenus, mais aussi les violences envers les policiers.
Emilie Denètre
Des centres saturés, une rétention allongée… mais sans budget ?
Dans son rapport 2017, le sénateur François-Noël Buffet pointe la « sous-budgétisation » des moyens alloués aux CRA, alors même que les délais de rétention devraient passer de 45 à 90 jours. « Les crédits dédiés au fonctionnement hôtelier des CRA s’élèvent à 26,3 millions d’euros, écrit-il. Si cette somme est plus importante que celle inscrite dans la loi de finances initiale pour 2017 (19 millions d’euros), elle est légèrement plus faible que la dépense constatée lors de l’exercice 2016 (27,09 millions d’euros). » De même, l’élu du Rhône dénonce le manque d’investissements du gouvernement : aucun nouveau CRA n’a été budgété sur 2018, alors que les taux d’occupation atteignent déjà les 100%.