Briançon, une ville de montagnards solidaires
Cette petite ville des Hautes-Alpes se retrouve, de par sa position géographique, au cœur de la question migratoire. Le maire et les habitants font preuve d’une grande solidarité.
Nichée au cœur des Alpes à plus de 2000 mètres d’altitude, Briançon et ses 13 000 habitants est depuis « toujours une terre de migration », explique le maire, Gérard Fromm.
Jusqu’à 90 personnes par jour parfois
« Nous avons des relations très fortes avec nos voisins italiens du Piémont, et depuis des siècles, le passage se fait par le col du Montgenèvre ou celui de l’Échelle. ».
Mais comme l’édile le reconnaît, « avec les fermetures de la frontière à Vintimille et du côté de la Roya, les choses se sont accélérées et les migrants ont commencé à emprunter de plus en plus les cols du Briançonnais ».
Ville solidaire et généreuse
Aussi, depuis janvier 2017, les arrivées se multiplient, « jusqu’à 90 personnes par jour parfois », souligne Gérard Fromm. « Au départ, ils venaient beaucoup d’Érythrée ou du Soudan, mais aujourd’hui nous voyons surtout des Maliens, des Camerounais ou des Sénégalais et au moins un tiers d’entre eux sont des mineurs. ».
La plupart du temps, ces migrants ne « sont que de passage » dans la petite ville des Hautes-Alpes. Après quelques nuits sur place, ils reprennent la route, direction le nord, avec souvent un objectif en tête : rejoindre l’Angleterre. Pour faire face à ces arrivées, la ville et les nombreuses associations (180 en tout !) se sont mobilisées ces derniers mois.
« On compte à peu près 200 bénévoles qui se relaient pour préparer les repas matin, midi et soir. Ils lavent les vêtements et les draps. Nous avons également des médecins qui organisent un suivi auprès de ces personnes, et les grandes surfaces donnent leur surplus. » Quant à la collectivité, elle a mis à disposition une maison, en plein centre-ville, entre l’école et la gare.
« La maison peut accueillir entre 15 et 20 personnes pour dormir, mais parfois, ils sont 60. Nous prenons à notre charge, l’eau, l’électricité et le chauffage, ce qui représente un coût annuel compris entre 10 000 et 12 000 euros », détaille le maire, qui assure être fier de sa population : « Briançon est une terre de mélanges, il y a un esprit « montagne » et sportif très fort. Les habitants font preuve d’une grande générosité et d’une grande ouverture d’esprit. »
Un État absent, et une pression qui s’accroît
L’hiver dernier, la neige tombée en abondance a largement ralenti le flot des arrivées, mais avec les beaux jours, « la pression migratoire va s’accentuer », analyse Gérard Fromm, qui décrit « entre 500 000 et 700 000 Africains qui patientent en Italie avant de pouvoir rallier la France. Avec nos collègues italiens, nous sentons bien que la pression augmente ».
Et le maire s’inquiète : « 70-90 migrants à coucher et nourrir, on y arrive… mais lorsque nous serons à 200-300 par jour, comment allons-nous faire ? Il faut bien les mettre à l’abri. Il y a des enfants. Ce sujet est au centre des échanges avec nos collègues italiens. »
Quant à savoir si la ville se sent soutenue par l’État, la réponse fuse : « L’État est surtout présent sur l’aspect sécuritaire, sinon il ne nous aide pas dans cette gestion de tous les jours. C’est pareil du côté de l’Europe, elle est totalement absente. Pourtant, nous, au quotidien, nous avons déjà gommé les frontières. Nous sommes la preuve qu’en se mettant tous ensemble, nous pouvons régler ce drame humain. »
Émilie Denètre