Les mineurs non accompagnés : l’autre voie migratoire
De plus en plus de jeunes hommes arrivent en France en se présentant comme mineurs. Les départements, responsables de leur prise en charge, arrivent à saturation.
50 000. C’est le nombre de jeunes, principalement des garçons venus d’Afrique subsaharienne, qui se sont présentés en 2017 aux portes des départements – qui assument la compétence « protection de l’enfance » – afin d’être pris en charge, en vertu de leur minorité et de leur situation d’isolement supposées.
Le nombre de MNA confiés à l’ASE a doublé en un an
On les appelle les mineurs non accompagnés (MNA), et depuis deux ou trois ans, leurs arrivées sont exponentielles.
L’Assemblée des départements de France (ADF) explique que tous les départements sont touchés. Certains en situation de saturation totale ne parviennent plus à accueillir les nouveaux arrivants, faute de places.
Peu d’obstacles
Selon l’ADF, ces jeunes sont avant tout les victimes des filières de passeurs. « Ces garçons sont partis de chez eux pour des motifs économiques : ils veulent s’intégrer et trouver du travail en France. Les filières leur font miroiter la réussite dans notre pays s’ils disent qu’ils sont mineurs et seuls », explique-t-on à l’association des élus, où les appels de départements désemparés se succèdent.
En effet, les discours sont convenus (beaucoup annoncent à leur arrivée être nés le 1/01/2002) et les papiers directement fournis par les passeurs. Les filières ont bien compris que cette population de migrants rencontrait peu d’obstacles. Car en France, dès lors que l’on fait valoir la présomption de minorité, le jeune est orienté vers l’Aide sociale à l’enfance, indique-t-on à l’ADF.
En décembre 2017, le nombre de MNA confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) était de 25 000, soit une hausse de plus de 50% en un an, du jamais vu ! Avec un coût estimé à plus de 50 000 euros par an et par personne, la charge annuelle pour les départements s’élève, selon Dominique Bussereau, président de l’ADF, à plus d’un milliard d’euros au titre de l’Aide sociale à l’enfance.
Bras de fer avec l’État
Depuis quelques mois, les départements discutent donc avec l’État pour que ce dernier prenne la responsabilité morale, mais aussi financière, de la phase d’évaluation de ces jeunes arrivant sur le sol français. Cette phase, qui dure en moyenne 25 jours, n’est pour l’instant remboursée par l’État que pour les cinq premiers jours.
Bien insuffisant pour les patrons des départements qui attendent par ailleurs qu’ « un message fort soit envoyé par l’État aux filières ». Le renforcement des contrôles aux frontières serait une piste, tout comme la création d’un fichier national des jeunes déjà évalués afin d’éviter que certains reconnus majeurs (le record est 45 ans) ne soient tentés d’aller frapper à la porte du département voisin.
« Le nomadisme des jeunes est un véritable problème, cela se traduit par de nombreuses évaluations successives alors que les départements sont déjà débordés », constate-t-on à l’ADF.
Des jeunes de plus en plus jeunes
Mais la partie est loin d’être gagnée, tant les filières semblent en permanence s’adapter à la législation française, se jouant des failles de notre système. Un exemple : constatant ces derniers mois que les tests osseux – permettant de déterminer avec plus de précision l’âge des migrants se présentant comme mineurs – se multipliaient lors de la phase d’évaluation, les filières n’ont pas hésité à envoyer en France des adolescents de plus en plus jeunes pour accroître leurs chances d’être acceptés à l’ASE. Pour l’ADF, on peut désormais parler d’une véritable « autoroute de l’immigration clandestine ».
Emilie Denètre