Crise de l’asile et des flux migratoires : comment en est-on arrivé là ?
De graves crises ont secoué l’Afrique et le Moyen-Orient ces dernières années. Cette accélération de l’Histoire a mis la France, et l’Europe, à l’épreuve de l’accueil de ceux que l’on appelle « les migrants ».
C’est au cœur de l’été 2015, au plus fort de ce que l’on a nommé la « crise des migrants », que les Français (re)prennent conscience que leur pays, et plus largement l’Europe, est une terre d’immigration, une terre qui fait rêver ceux qui subissent la guerre ou la misère.
La mafia turque, grande gagnante de l’horreur
Que ce soit par les voies terrestres ou maritimes, l’arrivée aux portes de l’Union européenne de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants surprend.
Pourtant, ce phénomène migratoire est en partie une conséquence directe – et prévisible ? – des troubles d’ordre politique, économique, ethnique, climatique qui ravagent l’Afrique, mais aussi le Proche et le Moyen-Orient, depuis quelques années déjà.
Les « Printemps arabes » …
On se souvient par exemple des « Printemps arabes », un mouvement né en Tunisie en décembre 2010 avant de s’étendre à ses voisins : Libye, Égypte, Yémen, États du Golfe et même Syrie. Dans tous ces pays, les manifestations originelles contre la pauvreté et l’autocratisme se sont rapidement muées, sous les yeux d’Européens médusés, en des mouvements de contestation d’ampleur capables de déclencher la chute de dirigeants arabes.
Mais rongé au fil des semaines par l’islamisme, le souffle de liberté des « Printemps » fait place à la guerre. Les interventions militaires étrangères en Irak et en Afghanistan, et le chaos qui s’en suit, mettent en parallèle et quasiment dans le même temps, des milliers de personnes sur les routes ; tout comme les guerres intestines qui consument certains États africains tels que la Somalie, le Soudan, l’Érythrée, le Nigéria.
… Puis la Syrie
Mais c’est la guerre en Syrie qui mettra le feu aux poudres. En quelques mois à peine, des millions de Syriens fuient leur pays pour échapper aux bombardements de l’armée régulière et aux exactions du groupe terroriste Daech qui contrôle une bonne partie du territoire. Des Syriens qui se réfugient majoritairement en Turquie, le grand voisin sunnite qui les place dans des camps.
Mais les conditions de vie dans ces refuges sont telles qu’ils sont des centaines de milliers à vouloir gagner l’Europe. La mafia turque, grande gagnante de l’horreur, organise l’acheminement dans des bateaux surchargés. Beaucoup de migrants périssent, engloutis par les flots, avant même d’avoir atteint les côtes européennes. La « crise des migrants » démarre…
Le climat : l’oublié ?
Aux côtés de ces crises meurtrières, il existe également un facteur moins connu de migration, mais qui pousse pourtant chaque année de nombreux hommes à l’exil : il s’agit des bouleversements climatiques. Monique Barbut est la directrice générale du Fonds pour l’environnement mondial (FEM).
Elle décrit ainsi des « migrations liées à la nécessité de diversifier les sources de revenu dans un ménage. Car les terres constituent la principale source de subsistance pour la plupart des gens ; la majorité des ménages possèdent des exploitations de petite taille, généralement de 1 à 10 hectares, aussi la dégradation d’un seul hectare peut conduire à la précarité des moyens d’existence de base d’une famille entière ».
La directrice du FEM poursuit : « La productivité des terres en Afrique a diminué à un rythme sans précédent, notamment en raison des effets du changement climatique venant s’ajouter à de mauvaises pratiques d’utilisation des terres. » Le ministère de la Défense du Royaume-Uni estime que plus de 60 millions de personnes risquent de quitter les terres dégradées d’Afrique subsaharienne – vers l’Afrique du Nord et l’Europe – au cours des deux prochaines décennies !
Les failles de l’Europe
Dans une Europe qui ne parvient toujours pas à se hisser à la hauteur de l’enjeu, les positions se sont cristallisées. Les populismes gagnent du terrain, faisant leur lit sur les peurs du chômage et du terrorisme.
La France n’échappe pas à la règle. Face à une opinion publique partagée, mais également mal informée sur les migrations (économique, humanitaire, environnementale), le gouvernement tente de réguler. François Héran sociologue et démographe, spécialiste des questions migratoires, tranche ainsi : « Ni pour ni contre l’immigration. Avec elle, tout simplement. »
Emilie Denètre