« Choisir ses migrants a un coût économique important »
Est-il possible aujourd’hui de « choisir » ses immigrés ?
La déclaration universelle des Droits de l’Homme créée un déséquilibre puisqu’elle reconnaît à tout individu le droit d’émigrer, mais elle n’admet pas son corollaire, le droit de s’installer dans un autre pays que le sien… elle fait juste mention du droit d’asile !
Les politiques n’ont pas la maîtrise de ces choix.
Partant de là, les États souverains peuvent limiter l’accès à leur territoire, mais en respectant – en principe – le cadre du droit international et les traités qu’ils ont signés.
Par exemple, la France est signataire de la Convention de Genève sur la reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui protège le droit au regroupement familial. Mais le droit international laisse quelques marges de manœuvre aux États qui – pour certains – s’engouffrent dans ces flous pour moduler l’accès à leur territoire.
C’est pour cela que vous allez avoir de telles disparités sur l’octroi du droit d’asile ou sur le regroupement familial. Certaines nations sont à « la limite », comme les pays de l’Est de l’Europe ; d’autres en revanche violent carrément les droits fondamentaux des réfugiés, comme l’Australie.
Reste enfin, pour les États souhaitant mener une politique d’immigration choisie, le levier des permis de séjour pour les travailleurs et les étudiants. L’idée étant ici de favoriser certains profils en fonction des besoins du pays.
Est-ce souhaitable de « choisir » ses immigrés ?
Si l’on met de côté les migrations normalement protégées par le droit international (réfugiés et regroupement familial), l’immigration choisie consiste, pour les politiques, à faire venir des personnes dont on estime qu’elles vont participer à la prospérité du pays, que ce soit en termes économiques en résolvant des problèmes de main d’œuvre, ou en termes démographiques.
Mais la difficulté avec cette logique, c’est que les politiques d’attractivité menées par ces pays (quotas, système de points ou encore permis de séjour pluriannuels) n’ont finalement que peu d’impact sur le choix des personnes potentiellement entrantes.
Pour la personne qui va migrer, les points les plus importants sont les facteurs économiques (vais-je facilement trouver un emploi dans ce pays ?) et socio-culturels (ai-je de la famille ou une communauté dans ce pays ? est-ce que je parle leur langue ? ai-je une histoire commune avec eux ?). Les politiques n’ont pas la maîtrise de ces choix et sont plus tributaires d’un héritage colonial qui lie leur pays à certains États d’Afrique ou d’Asie.
C’est le cas pour la France, le Royaume-Uni ou le Portugal. Par ailleurs, choisir ses immigrés implique aussi d’en refuser l’entrée aux autres ; ce qui engendre, par ricochets, des obligations de contrôles et de gestion tant aux frontières extérieures que sur le territoire national. Cela représente un coût économique important.
Emilie Denètre