« Cette loi concilie humanité et efficacité »
La loi asile-immigration est trop à gauche pour certains, trop à droite pour d’autres. Pourquoi est-ce si compliqué en France de légiférer sur ces questions migratoires ?
Nous n’avons pas élaboré cette loi en nous demandant si elle était de droite ou de gauche, mais en veillant à ce que les mesures proposées soient les plus efficaces possibles. La situation actuelle, où l’embolie du système d’instruction du droit d’asile entraîne la saturation du parc d’hébergement des demandeurs, ainsi que celle du parc d’hébergement d’urgence, n’est plus tenable. C’est pourquoi le premier objectif de cette loi est de réduire à six mois, conformément à l’engagement pris par le président de la République, les délais moyens d’instruction de la demande.
La résolution du défi migratoire passe par l’Europe.
Ainsi, celles et ceux qui ont vocation à rester sur notre sol pourront-ils entamer plus rapidement un parcours d’intégration, tandis que les personnes qui seront déboutées pourront regagner leur pays d’origine sans que leurs liens familiaux, sociaux, ne se soient trop distendus. Le texte comporte également une batterie de mesures destinées à renforcer l’effectivité de nos politiques d’éloignement. Si nous voulons préserver le droit d’asile, il convient que celles et ceux qui ne bénéficient pas d’une protection quittent notre territoire. C’est ce à quoi visent des dispositions comme l’allongement de la durée de rétention ou encore l’extension des pouvoirs de vérification du droit au séjour pour les forces de l’ordre. En résumé, cette loi concilie, comme je le dis souvent, humanité et efficacité. Il s’inscrit dans la grande tradition humaniste qui est celle de la France tout en permettant une application stricte de l’Etat de droit, partout et pour tous.
Y aura-t-il une augmentation des effectifs pour faire face à la réduction de la durée d’instruction des demandes d’asile et au rallongement de la durée de rétention ?
La réduction des délais d’instruction de la demande d’asile a déjà commencé. Pour ne prendre qu’un exemple, le délai moyen pour déposer une première demande en préfecture est passé en quelques mois de 21 jours à 7 jours en moyenne. Pour progresser encore, outre les mesures de droit, nous avons effectivement prévu des moyens supplémentaires. En 2018, nous avons ainsi créé 150 équivalents temps plein (ETP) dans les services étrangers des préfectures, 15 ETP à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), 15 ETP à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et 51 ETP à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Avez-vous des objectifs chiffrés en termes d’immigration légale, d’accueil des réfugiés et d’éloignements forcés pour les illégaux ?
Il est clair que lorsque, sur une année, seulement 15 000 OQTF (Obligation de quitter le territoire français) sur 90 000 prononcées font l’objet d’un éloignement forcé, nous sommes loin du compte. C’est pourquoi je prête une attention particulière à l’évolution des données concernant l’immigration, département par département. Je réunis les préfets environ une fois par mois. A chacune de nos rencontres, je leur demande une mobilisation forte sur ce sujet qui constitue, pour les Français, une priorité importante.
Quel est l’intérêt d’un OFPRA européen soutenu par la France ?
La résolution du défi migratoire passe par l’Europe. C’est en effet au niveau européen qu’il est possible de renforcer nos frontières, et la France soutient le renforcement de Frontex. C’est au niveau européen qu’il convient d’agir pour harmoniser les conditions d’octroi du droit d’asile entre Etats-membres, et la France soutient le régime d’asile européen commun. La France sera donc toujours force de proposition auprès de ses partenaires sur cette thématique.