Bientôt un enfant issu de trois ADN au Royaume-Uni
Il y a un an et demi, le Royaume-Uni devenait le premier pays au monde à légaliser la conception d’un enfant à partir de l’ADN de trois parents. Une technique destinée à éviter la transmission d’une maladie héréditaire maternelle : la mitochondrie.
En effet, certaines femmes sont touchées par un dysfonctionnement des mitochondries, dont la gravité est variable : elles peuvent aussi bien être porteuses saines de ces bactéries que contracter une des maladies causées par le dysfonctionnement des mitochondries.
La démarche n’est pas sans risques
La transmission de cette anomalie, même par des porteuses saines, peut générer chez leur descendance une dégénérescence du système nerveux et musculaire. Selon le gouvernement, près de 3 000 britanniques en seraient victimes.
L’opération, qui devrait être testée prochainement par les scientifiques anglais, consiste à reconstituer un ovocyte sain. Pour cela, l’ovocyte de la mère et celui de la donneuse devraient d’abord être fécondés par des spermatozoïdes du père. Le noyau de l’ovocyte de la mère (siège du patrimoine génétique) serait ensuite transféré dans l’ovocyte d’une donneuse, préalablement vidé de son propre noyau.
A terme, l’enjeu serait de sauver des ovocytes compromis, soit en raison de l’âge avancé de la mère, soit en cas de mauvaise qualité ovocytaire. Mais pour l’heure, les chercheurs n’ont donné naissance qu’à un seul bébé grâce à cette manipulation génétique. L’expérience a en effet été réalisée en 2016 par une équipe américaine au Mexique, pays où il n’existe pas de législation sur cette pratique.
Ces scientifiques ont par ailleurs suivi une méthode sensiblement différente, la fécondation ayant eu lieu après le transfert du noyau. Après cinq années de recherche, un grand débat public et quatre rapports, l’Autorité britannique de régulation de l’assistance médicale à la procréation et à la recherche en embryologie (HFEA) estime que toutes les précautions ont été prises.
« Beaucoup d’études ont été réalisées sur des souris et des macaques, explique le docteur Julie Steffann, du service génétique de l’Institut de Recherche Necker. Des bébés issus de ces expériences sont nés et ont eux-mêmes engendré une descendance. »
Pour autant, la chercheuse reconnaît que la démarche n’est pas sans risques : « Des questions difficiles à résoudre restent en suspens. Par exemple, si le fait de fusionner des mitochondries étrangères ne provoque pas une incompatibilité. Ou si la population de mitochondries déficiente ne peut redevenir majoritaire dans l’ovocyte. »
Au Royaume-Uni, la pratique devrait dans un premier temps être testée par le Centre de fertilité de Newcastle sur une vingtaine de couples. Pour réaliser ces premières opérations, la clinique compte sur ses propres fonds. En février dernier, deux dossiers ont été sélectionnées par une équipe d’experts internationaux réunis par la HFEA, dont la mission est d’évaluer le rapport bénéfices/risques.
« Si on applique cette technique aux malades mitochondriales, le risque est faible et le bénéfice important, souligne la chercheuse. Ces femmes n’ont en effet pas cinquante solutions : si elles refusent la PMA classique avec don d’ovocytes, c’est leur unique chance de pouvoir donner naissance à un enfant en bonne santé. »
Romane Lizée