En Chine, l’inquiétante expansion des tests génétiques sur embryons
Visant à éradiquer les maladies génétiques, le recours au diagnostic préimplantatoire sur les embryons veut s’étendre à la détection de handicaps comme la surdité. Une course à la qualité génétique, jusqu’où ?
S’adressant aux couples recourant à une fécondation in vitro (FIV), le diagnostic génétique préimplantatoire sur l’embryon permet de détecter des maladies potentielles, et de choisir de ne pas l’implanter dans l’utérus le cas échéant.
Auteur d’une enquête sur le sujet pour le magazine scientifique Nature, David Cyranoski explique le boom de ces tests par la forte stigmatisation des maladies génétiques en Chine, le peu d’aides publiques aux personnes handicapées et la quasi-inexistence des oppositions religieuses ou éthiques.
En Chine, l’eugénisme est un terme positif
À quoi s’ajoute la fin de la politique de l’enfant unique, qui a conduit des femmes déjà âgées à recourir à la procréation par FIV avec diagnostic préimplantatoire.
Éradiquer la surdité
Prudent, le gouvernement chinois restreignait, en 2004, l’autorisation d’utiliser ce procédé à 4 cliniques. On en dénombrait 40 à la fin de l’année 2016. Désormais, à elle seule, une clinique chinoise en pratique plus en un an que la totalité de celles de Grande-Bretagne !
C’est moins la quantité qui est frappante, liée à la masse de la population chinoise, que la vitesse d’expansion fulgurante de ces examens. Ils pourraient s’étendre à de nouvelles maladies.
Une des grandes recherches en cours consiste ainsi à relier 6 000 maladies génétiques à un ou plusieurs gènes pour pouvoir ensuite les détecter dans l’embryon. La surdité est notamment visée.
Une vision différente de l’eugénisme
Certains craignent que cette volonté d’éliminer toute trace de handicap dévalue la vie des personnes handicapées. D’autres redoutent un creusement des différences entre les riches (pouvant accéder aux tests) et les pauvres, menant à la création d’une « élite génétique » et à la mise en place d’un eugénisme.
Les questionnements éthiques sont peu présents en Chine, constate David Cyranoski : « Dans le monde occidental, l’eugénisme est associé au nazisme, alors qu’en Chine, c’est un terme utilisé positivement. Il consiste à donner naissance à des bébés de meilleure qualité. »
Néanmoins, des limites sont clairement posées : pas de test génétique pour choisir le sexe de l’enfant ou, comme le demandent certains parents, pour éviter la mutation qui rend certains Asiatiques peu résistants à l’alcool.
Le gouvernement se dit soucieux d’empêcher la sélection sur l’intelligence supposée du futur bébé. Reste que la Chine, avec son Cognitive Genomics Lab créé en 2011, est en première ligne pour débusquer les gènes des capacités intellectuelles, en comparant le génome d’individus à fort QI et ceux dotés d’un QI plus bas.
De quoi inquiéter la communauté internationale. Quel est l’objectif de ce programme ? Sélectionner les embryons les plus prometteurs pour améliorer le niveau intellectuel de la population ?
Félicité de Maupeou
Info +
En 2016, les Chinois ont modifié le génome d’un embryon avec CRISPR-Cas9, suscitant l’inquiétude de la communauté internationale. Modifier des cellules embryonnaires introduit des changements sur la personne dont le génome est transformé, mais aussi sur sa descendance.