Les états généraux de la bioéthique : un débat citoyen, et après ?
Achevés fin avril, les états généraux ont fait entrer plusieurs milliers de citoyens dans le débat. Pas sûr cependant que leurs contributions soient entendues par les politiques.
« Les questions bioéthiques ne doivent pas rester aux mains des experts, les citoyens doivent s’en saisir ! » C’est avec ce mantra que les états généraux de la bioéthique, lancés le 18 janvier, se sont déroulés jusqu’à la fin avril.
Obligatoire depuis 2011, cette étape d’expression citoyenne précède la présentation au Parlement du projet de révision des lois de bioéthique, prévue en septembre prochain.
Un exercice spécifique à la France, observé à l’étranger
Elle a pris la forme de 250 débats organisés par les espaces éthiques régionaux dans toute la France, rassemblant près de 19 000 citoyens.
150 auditions d’associations, de sociétés savantes et, fait nouveau, de start-up ont également été menées par le comité consultatif national d’éthique (CCNE). Autre outil : un site web permettant de déposer des contributions écrites (65 000 rédigées au total).
Enfin, un comité citoyen de 22 personnes, constitué pour être le plus représentatif possible, a été créé : ses membres se sont réunis au cours de quatre week-ends. Leur rôle a été de porter un regard critique sur le fonctionnement des états généraux, en faisant des retours réguliers au CCNE, et de rédiger un avis sur la fin de vie et la génomique.
Sortir les citoyens de l’indifférence
« Le temps des états généraux, organisés hors du champ politique, était destiné à intéresser nos concitoyens, à les faire discuter sur des sujets aussi clivants et difficiles que la génomique, le diagnostic préimplantatoire, le numérique… », explique Jean-François Delfraissy, président du CCNE, organisateur des états généraux.
« Une gageure dans une France de plus en plus individualiste. Mais nous avons réussi, je pense, à sortir les citoyens de l’indifférence à ces questions », se félicite-t-il.
« Nous sommes parvenus à impulser une mobilisation au niveau national », corrobore Emmanuel Hirsch, président de l’espace éthique d’Île-de-France.
L’exercice des états généraux, spécifique à la France, est d’ailleurs observé à l’étranger, notamment par le Japon, la Thaïlande et quelques Etats indiens.
Tout ça pour quoi ?
Si les organisateurs se réjouissent du succès des états généraux, d’autres dénoncent un subterfuge donnant l’illusion aux citoyens qu’ils sont entendus et pèsent dans la décision, alors que tout se jouerait ailleurs.
Notamment à l’Elysée où, entre janvier et juin, Emmanuel Macron a reçu au cours de trois dîners (sur la fin de vie, la PMA et l’IA) des experts (médecins, représentants religieux, associations…).
Autre reproche : ces événements auraient davantage été des tribunes pour les militants que de réels espaces de dialogue à destination des citoyens, notamment sur la question de l’ouverture de la PMA aux femmes seules et en couple homosexuel, où les opposants se sont particulièrement fait entendre.
Ce sujet, le seul sur lequel le candidat Macron avait laissé entendre un avis favorable, a été le plus mobilisateur. Il représente 45 % des 65 000 contributions du site internet des états généraux et un quart des 250 débats l’ont abordé.
Et maintenant…
Contributions citoyennes, comptes rendus des débats, remontées des espaces éthiques au CCNE… une très riche matière découle de ces mois de consultation. Sera-t-elle réellement utilisée et déterminante dans le débat ?
Premier signal négatif : le délai (un mois) imparti au CCNE pour rendre un rapport de synthèse des débats au ministère de la Santé et à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en vue du futur projet de loi. Bien trop court selon certains organisateurs.
Félicité de Maupeou