L’anonymat du don, un principe qui vacille
L’anonymat du don de gamètes (sperme ou ovocytes) est un pilier de la bioéthique française, mis en place dès les premières PMA avec donneur dans les années 1970. Il ne faisait pas débat jusqu’à ce que, parmi les 70 000 personnes ainsi conçues, plusieurs demandent à connaître leur donneur.
Une revendication qui pourrait faire condamner la France, car deux d’entre eux ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme.
Le secret des origines n’est plus tenable
La pression sur la levée de l’anonymat s’accentue d’autant plus que le recours aux tests ADN, encadré en France mais banalisé par exemple aux Etats-Unis, permet d’obtenir une cartographie précise de son patrimoine génétique et donc, par recoupement avec d’autres profils ADN, de retrouver un lien familial et finalement son donneur.
C’est ce qu’a entrepris Arthur Kermalvezen, membre de l’association Procréation médicalement anonyme (300 membres), dont l’histoire a été largement médiatisée quelques jours avant l’ouverture des états généraux de la bioéthique.
La fin de l’anonymat fait craindre à certains une avancée vers un eugénisme
Il a retrouvé son donneur après avoir envoyé un prélèvement de sa salive aux Etats-Unis. Alors que les moyens techniques permettent aujourd’hui de lever une grande partie de l’anonymat, faut-il maintenir ce principe ?
Signe que les choses bougent, la fédération nationale des centres de conservation des œufs et du sperme, pourtant considérée comme la gardienne du secret, a proposé le 16 avril dernier que les couples receveurs et les enfants puissent accéder à certaines informations sur le donneur, telles qu’un texte détaillant ses motivations, son origine géographique, son secteur d’activité professionnelle…
L’amour prime sur l’origine
Pour l’instant l’État ne scille pas. Le Conseil d’État persiste dans son refus de lever le voile sur les origines génétiques, invoquant « la sauvegarde de l’équilibre des familles » ou encore « le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation ».
L’ancien député, spécialiste des sujets bioéthiques, Jean Leonetti rappelle que « selon la conception française, nous ne sommes pas uniquement des produits de notre génétique, mais aussi de notre culture, de notre éducation, de l’amour reçu… », relativisant ainsi l’importance du donneur.
Une position partagée par l’association des enfants du don (Adedd) qui ne milite pas pour le droit à connaître ses origines et soutient que « les gamètes sont des cellules sans importance par rapport à l’éducation et à l’amour que reçoit un enfant ».
À long terme, la fin de l’anonymat fait craindre à certains une avancée vers un eugénisme puisque, en ayant éventuellement accès à sa formation, son parcours professionnel, son allure physique, etc., on pourra choisir les gamètes selon le profil du donneur, comme c’est déjà le cas au Danemark (voir p. 30).
Félicité de Maupeou
Face à la pénurie de gamètes, la fin de la gratuité ?
Pour une insémination artificielle de sperme avec donneur, il faut attendre entre 6 et 18 mois ; pour un don d’ovocyte, 2 à 3 ans. Des délais qui pourraient s’allonger en cas d’ouverture de la PMA à toutes les femmes, générant une augmentation de la demande.
La levée de l’anonymat pourrait également décourager certains donneurs, allongeant ainsi la liste d’attente. Pour augmenter les stocks, certains proposent de mettre fin au principe de gratuité du don, comme en Espagne, en Belgique ou encore aux Etats-Unis, où les donneurs sont rémunérés.
Un marché lucratif dans lequel le prix d’un ovocyte peut atteindre 5 000 euros… en fonction de son origine !
Félicité de Maupeou