La GPA vient bouleverser le droit français
Interdite en France, la gestation pour autrui (GPA) s’invite pourtant progressivement dans notre droit en raison du retour dans l’Hexagone des enfants nés ainsi à l’étranger. Au risque de faire disparaître progressivement l’interdit ?
La gestation pour autrui (GPA) consiste à recourir à une femme pour porter un enfant qui sera ensuite confié à des « parents d’intention ». La France interdit cette pratique mais, depuis longtemps, des Français y recourent à l’étranger.
Imperceptiblement, nous allons vers la légalisation de la GPA
De retour dans l’Hexagone, bien que la plupart se fassent discrets, certains demandent la transcription de l’acte de naissance étranger de leur enfant sur le registre d’état civil français.
Or une telle transcription « revient pour l’Etat à admettre la pratique de la GPA », explique Frédérique Bozzi, conseillère à la Cour de cassation. Longtemps, l’Etat s’y est refusé.
La condamnation de la CEDH fait tout exploser
Tout explose lorsque la France est condamnée, le 26 juin 2014, par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire Mennesson. Les époux Mennesson avaient alors saisi la CEDH après le refus de la France de transcrire dans le registre des actes de naissance leurs jumelles nées aux Etats-Unis par GPA.
La cour européenne a considéré que les filles Mennesson étaient en « situation d’incertitude juridique » et qu’un enfant né par GPA n’est pas responsable de la manière dont il a été conçu.
Une situation schizophrénique
Leur père Dominique étant également leur père biologique, l’absence de cette transcription sur le registre d’état civil français ne mettait pourtant pas les enfants en danger, selon Anne Gilson, juriste spécialiste du sujet : « L’enfant né à l’étranger par GPA, ayant au moins un parent français, a accès à la nationalité française, aux droits de succession, à la santé, à l’école. »
Nul besoin de transcription pour le protéger, donc… « La Cour de cassation a été bouleversée par cette condamnation », raconte Frédérique Bozzi.
Résultat, après 2014, la transcription des actes de naissance sur le registre d’état civil national est acceptée dans plusieurs affaires. Conduisant l’Etat à une schizophrénie, puisque d’un côté il reconnaît ainsi la GPA, et que de l’autre il la condamne fermement.
Vers une légalisation de la GPA ?
Aujourd’hui monte une nouvelle revendication : que l’acte d’état civil d’un enfant né par GPA mentionne la mère d’intention comme étant la mère. Pour l’instant c’est la mère porteuse qui est inscrite comme « mère » d’après un principe français, hérité du droit romain, qui définit la mère comme étant celle qui accouche.
Dans le cas d’une GPA, ce principe exclut la mère d’intention des actes d’état civil puisque ce n’est pas elle qui accouche. Certains demandent que soit mis fin à cette « discrimination » et que ce principe soit abandonné.
Le droit français peut-il à la fois condamner la GPA et s’adapter à ses conséquences ? Pour Anne Gilson, « imperceptiblement, au bout de ces aménagements progressifs du droit, nous allons vers la légalisation de la GPA ».
Félicité de Maupeou