PMA pour toutes : « Une médecine répondant aux demandes sociétales apparaît. »
Professeur René Frydman, obstétricien, « père scientifique » d’Amandine, le premier bébé, éprouvette né en 1982
Pourquoi soutenez-vous l’accès de la PMA à toutes les femmes ?
Cette ouverture, qui fait le buzz médiatique, n’est pas une revendication. Il y a d’autres sujets plus importants, comme l’augmentation de l’efficacité des PMA ou la prévention de l’infertilité.
Confronté à des demandes de ce type, certes peu nombreuses, je me suis prononcé en faveur de son ouverture à toutes les femmes car plusieurs études montrent que les enfants élevés par une mère célibataire ou deux femmes en couple n’ont aucun problème.
Une demande d’enfants chez des personnes fertiles est-il encore du ressort de la médecine ?
Dans nos sociétés d’opulence apparaît une médecine du bien-être, à partir de laquelle se constitue une médecine répondant aux demandes sociétales, comme la PMA pour les femmes seules et homosexuelles.
Ces PMA ne doivent pas être prises en charge par la société
Il faut bien distinguer cette médecine de celle qui répond à un besoin thérapeutique, un peu comme la chirurgie esthétique diffère de la chirurgie réparatrice médicale.
Mais faut-il pour autant interdire cette médecine ? Je ne pense pas, même si je considère que ces PMA ne doivent pas être prises en charge par la société et remboursées.
Où placer la limite de la demande sociétale ?
Le repère est de savoir si cela est délétère pour quelqu’un. Je m’oppose par exemple à la GPA qui est une aliénation du corps d’un tiers. La demande d’enfant doit se faire dans des limites.
Nous en fixons déjà nous-mêmes en ne réalisant pas, par exemple, de grossesses très tardives via des PMA avec donneurs, alors que la loi ne l’interdit pas.
Que penser de la demande de levée de l’anonymat du donneur ?
Cela peut parfois être une souffrance, c’est pourquoi il faut lever l’anonymat, comme le fait la Grande-Bretagne depuis quelques années. Néanmoins, il n’y a pas, selon moi, de droit absolu à connaître son donneur.
Quid de l’extension du diagnostic préimplantatoire sur l’embryon ?
60 % des embryons des laboratoires ne réussissent jamais à s’implanter lors d’une PMA ! Nous réalisons quelquefois jusqu’à trois ou quatre tentatives sans succès. Aujourd’hui on ne peut examiner l’embryon avant l’insémination que si l’un des deux parents est porteur d’une maladie génétique.
Il faudrait que nous puissions le faire de manière plus large. Par exemple, auprès des couples pour lesquels le ou les premiers essais ont échoué. Le diagnostic préimplantatoire nous permettrait de voir si ces couples fabriquent des embryons inaptes à l’implantation, sans aucune chance d’aboutir à une grossesse.
Il faudrait alors stopper les essais de PMA. Cela éviterait les échecs à répétition, éprouvants psychologiquement. Bien sûr, il faudrait limiter cela à des cas nécessaires.
Le recours à la PMA s’explique aussi par la baisse de la fertilité…
Oui, il faut mener un grand plan de prévention sur ce sujet, en rappelant que la fertilité baisse avec l’âge ! Les gens ne savent pas suffisamment qu’après 38 ans, elle diminue !
Les couvertures de Voici ou Match exhibant des cinquantenaires venant d’accoucher (grâce à un don d’ovocytes, mais cela n’est pas écrit sur leur front !) n’aident pas !
En outre, il faudrait davantage d’études pour examiner le lien de cause à effet entre l’augmentation de la pollution et la baisse de la fertilité.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou