« Aucune règle bioéthique n’est définitive et universelle »
Quels grands sujets méritent une révision de la loi ?
L’ouverture de la PMA aux femmes seules et en couple homosexuel, comme la demande d’accès à leurs origines des enfants issus d’un don, sont des sujets importants. On ne peut rester dans la situation actuelle d’anonymat du don de gamètes.
Pourquoi ne pas penser une éthique à géométrie variable?
Il faut s’adapter et nous inspirer des pays étrangers qui ont libéré tout cela, et nous montrent par exemple que le nombre de donneurs ne diminue pas si le don n’est plus anonyme.
Il faut également ouvrir le dépistage préimplantatoire à plus de maladies afin d’augmenter les chances de succès des PMA.
Certains pays dépistent jusqu’à 15 maladies avant d’implanter l’embryon. Détecter ces maladies ne conduit pas forcément à une IVG. Les neurosciences, les données de santé et l’intelligence artificielle représentent également des sujets importants à aborder.
Une bioéthique est-elle encore possible face aux avancées scientifiques et à l’évolution des demandes sociétales ?
La révision des lois de bioéthique tous les 7 ans et l’adaptation de la loi dans l’intervalle sont nécessaires pour la faire progresser en permanence. Très peu, voire aucune règle bioéthique n’est définitive et universelle.
Ainsi, les principes de gratuité et d’anonymat du don sont vus très différemment d’un pays à l’autre. De même, la définition française de la maternité, qui avance que la mère est celle qui accouche, n’est pas adaptée aux connaissances modernes et crée d’importants problèmes aux enfants nés par GPA qui ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres.
Aujourd’hui la mère est celle qui élève. Il faut avoir l’esprit ouvert. Tout est discutable. On pourrait par exemple envisager à l’avenir de ne plus considérer le corps comme le patrimoine de la personne.
Le rôle des experts n’est pas de fixer de grands principes : c’est à la population et aux élus de choisir ce qui correspond à un état de la société, avec une grande humilité.
Il n’y a donc aucune limite à poser ?
Dans notre société plurielle, avec différentes philosophies et religions, les limites doivent être choisies, plutôt qu’imposées au nom d’une vérité. Il existe des restrictions, comme le consensus contre le clonage humain qui représente plus d’inconvénients que d’avantages pour l’instant.
De même, on interdit pour l’instant la modification génétique des gamètes (modification alors transmise non seulement à l’individu mais à sa descendance), car aujourd’hui nous ne maîtrisons pas suffisamment la technique pour prendre ce risque.
La limite est à mettre là où l’on ne maîtrise pas. Elle est pragmatique. En outre, ériger des règles absolues pourrait déresponsabiliser les professionnels de santé. Pourquoi ne pas penser une éthique à géométrie variable, avec des mécanismes tels que la clause de conscience qui existe déjà pour l’IVG ?
Quelle est la position des élus LREM sur ces sujets ?
La majorité soutient l’ouverture de la PMA, promise par Emmanuel Macron, même si certains sont mal à l’aise avec cette avancée. J’ai souffert par le passé de l’impression que les choses étaient écrites à l’avance, avec un encadrement des votes et des doctrines établies par les partis qui laissaient peu de place aux convictions personnelles.
Aujourd’hui l’expression est plus libre. Si ces différences sont respectées lors des votes, ce sera un fait nouveau.
Propos recueillis par Félicité de Maupeou