Les marchés publics se décrochent aussi hors de France
Certes, la manne de la commande publique en France, 200 milliards d’euros pour les marchés et concessions en 2014, peut éveiller déjà bien des appétits. Mais sur le plan mondial, elle représente 9 000 milliards de dollars, selon une étude d’UBI France (l’ancêtre de Business France) réalisée en 2014.
La construction de règles européennes poursuit bien l’objectif de hisser la publicité des appels d’offres et la concurrence à l’échelle de l’Union, pour permettre aux entreprises de tous les pays membres de candidater partout.
La commande publique mondiale : 9 000 milliards de dollars.
En dépit de cet effort entamé en 2004, les législations restent hétéroclites. Toute entreprise désireuse de répondre à un appel d’offres dans un autre pays européen devra se renseigner sur la réglementation en vigueur.
« Loin des clichés sur la France qui sur-transposerait le droit communautaire, notre législation est calquée sur les directives. Ce qui n’est pas le cas d’autres pays qui continuent à imposer des exigences supérieures pour la passation des marchés », note maître Aldo Sevino, avocat associé au cabinet ASEA.
Parangon du pays aux règles spécifiques : l’Italie. « Près de 70 textes y régissent la commande publique. Dans la péninsule, l’ouverture des plis en réponse à un appel d’offres est publique, par exemple.
Cette obligation est liée à la lutte contre la corruption, qui marque fortement le droit dans le pays », poursuit l’avocat.
Pratiques d’achat diverses
Le formalisme des réponses varie aussi d’un pays à l’autre. En Italie toujours, les entreprises candidates doivent faire certifier, par un organisme du cru, une adresse électronique spécifiquement dédiée à l’envoi des documents de réponse et aux échanges dans le cadre de l’appel d’offres.
En Belgique, réaliser des travaux publics nécessite un agrément préalable du ministère de l’Economie au niveau fédéral. Ce sont aussi les pratiques d’achat qui doivent être étudiées au cas par cas.
Ainsi, en Grande-Bretagne, les centrales d’achat publiques sont nombreuses et constituent pratiquement un passage obligé pour décrocher des marchés.
Autre difficulté à surmonter : les dispositifs de préférence nationale qui, s’ils sont contraires à l’esprit du droit communautaire, existent partout en Europe (y compris en France), par le biais de critères environnementaux, comme une empreinte carbone minimale, défavorisant les entreprises qui ne sont pas implantées localement.
Hors d’Europe, le favoritisme est net. En Algérie, par exemple, le prix de l’offre des entreprises étrangères est systématiquement majoré par rapport à celui que proposent les entreprises locales.
Aux Etats-Unis, les pouvoirs publics ne se cachent pas de préférer les candidats nationaux et ont élaboré depuis longtemps déjà une législation ad hoc, à travers le Buy American Act et le Small Business Act, datant de 1953.
Les marchés à l’étranger concernent plus le BTP
Décrocher des marchés à l’étranger constitue une véritable course d’obstacles. Mais cela reste possible. La recette du succès : bénéficier d’une implantation ancienne dans le pays cible et y élaborer une stratégie globale de développement, au-delà de la réponse aux seuls marchés publics.
Enfin, un partenariat avec un acteur local augmente les chances de réussite. Pour Franck Lepron, avocat spécialiste des marchés publics, « le phénomène reste toutefois marginal, sauf pour les majors du BTP qui ont l’habitude d’aller chercher des marchés à l’étranger ».
Sylvie Fagnart