La dématérialisation des marchés publics réclame une appr opriation par tous
A compter du 1er octobre, la dématérialisation des procédures de passation des marchés
va s’imposer. Collectivités et entreprises sont-elles prêtes ?
C’est la fin du papier pour la commande publique. Au 1er octobre 2018, toutes les procédures seront numériques. « Un appel d’offres passé autrement que par la voie électronique ne sera pas illégal. Il n’existera tout simplement pas », résume Jérôme Michon, professeur en droit des marchés publics et privés à l’Ecole spéciale des travaux publics (ESTP).
Concrètement, tous les acheteurs publics devront dématérialiser leurs procédures de passation, pour l’ensemble des marchés supérieurs à 25 000 € HT, via une plateforme en ligne baptisée « profil d’acheteur ». Désormais, tous les échanges entre les entreprises et le pouvoir adjudicateur se feront par le biais de cette plateforme de marché en ligne.
Les réponses électroniques aux marchés en 2017 représentaient 15 %.
Les retours du terrain sont contrastés. A l’Association des maires de France (AMF), on alerte sur le manque de préparation des plus petites communes. Leur association représentative, l’AMRF, assure quant à elle que l’immense majorité des collectivités s’est acculturée aux plateformes de dématérialisation et autres places de marché en ligne.
Mais les chiffres montrent que le fossé reste large avant d’atteindre l’objectif du « 100 % démat’ » au 1er octobre. Selon l’Observatoire économique de la commande publique, seuls 33,6 % des contrats de marché public ont été dématérialisés en 2016. La progression est importante par rapport à 2014 (23,9 %) ou 2011 (8,5 %), mais le temps presse !
Une source d’inquiétude pour les PME
De leur côté, les entreprises auront l’obligation de répondre aux appels d’offres sous format numérique. En raison d’exigences de sécurité et de confidentialité, les réponses devront être déposées sur les plateformes de dématérialisation de leurs donneurs d’ordre. Autrement dit, un dossier de candidature rempli manuellement, scanné et envoyé par mail ne constitue plus une réponse dématérialisée.
Une gageure si l’on se réfère à l’ensemble des réponses électroniques aux marchés en 2017 qui étaient de l’ordre de 15 %. L’échéance approchant, des craintes se font sentir. « Ce sont les plus petites entreprises qui sont les plus inquiètes sur le temps et l’argent à investir pour passer le cap de la dématérialisation », constate Franck Lepron, avocat spécialiste, associé du cabinet UGGC.
Pourtant l’enjeu est de taille : la commande publique a représenté 77 milliards d’euros en 2017, dont 25 % à destination des PME. Dévoilant un point d’étape dans la consultation qu’il mène auprès de chefs d’entreprise, le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, confirme que « la dématérialisation s’avère être source de complexité et de frais pour certaines entreprises ».
Frédéric Grivot, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), préfère quant à lui insister sur les « opportunités » qu’elle recèle. Premier avantage : la promesse de simplification, avec notamment la mise en place du Document unique de marché européen (DUME).
Ce document issu des nouvelles directives européeennes est un outil d’uniformisation des candidatures des entreprises à l’échelle de l’UE, afin qu’elles puissent répondre aux appels d’offres européens et nationaux. Le DUME regroupe toutes les informations administratives concernant l’entreprise qui candidate.
Un « e-DUME » est promis rapidement par Bercy et l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat (Aife) qui planche sur le sujet. « La ligne de conduite est d’inclure dans ce DUME numérique les mêmes fonctionnalités que pour le Marché public simplifié (MPS) », explique Jérôme Michon.
Le MPS, lancé en 2014, facilite la réponse à un appel d’offres en exigeant de l’entreprise soumissionnaire son seul numéro SIRET et en ne lui demandant de fournir les pièces justificatives qu’après sa sélection par l’acheteur public.
Le MPS aurait dû être étendu à tous les marchés dès le 1er avril 2019. Mais, avec l’arrivée de l’e-Dume, le MPS est appelé à disparaître », pointe Jérôme Michon.
De meilleurs délais de paiement
Autre avantage de la dématérialisation pour les entreprises : l’amélioration des délais de paiement qui restent leur première préoccupation. Celles comptant plus de 250 salariés pourront se faire acquitter leur facture via le logiciel de paiement de l’Etat, Chorus.
Et cette possibilité sera ouverte dès 0 salarié en 2020. « Un bon moyen de mettre fin aux délais cachés, quand les services de comptabilité des collectivités bidouillent la date de réception de la facture pour outrepasser le délai légal. Avec l’horodatage, ces manœuvres ne seront plus possibles », remarque Jérôme Michon.
Sylvie Fagnart
Signature électronique, mode d’emploi
Grâce à une clef sécurisée par un mot de passe ou une carte à puce, la signature de documents numériques est réalisable. Pour un montant avoisinant les 100 euros, on se la procure auprès des fournisseurs agréés de certificat de signature.
Dans les collectivités comme dans les entreprises, il faut alors désigner ceux qui sont autorisés à l’utiliser. « Pour les collectivités, une délibération est nécessaire », rappelle Jérôme Michon.
De nombreux points techniques doivent être tranchés, notamment au sujet du niveau de sécurité et du format choisi. Seule la signature du marché reste obligatoire ; les offres, elles, peuvent désormais ne plus être signées.