La consécration du sourcing
Pour bien acheter, mieux vaut connaître l’état du marché. Des méthodes sont désormais
inscrites dans le droit. Au nom de l’efficacité de la commande publique.
«Ce devrait être la base, le sourcing est un sujet crucial pour les acheteurs, quelles que soient les procédures choisies », soutient Baptiste Vassor, expert Technique et Innovation à l’Ugap. Inscrit dans le droit depuis 2016, le sourcing, ou sourçage, n’était pas interdit jusque-là.
Mais les promoteurs de cette méthode, qui incite l’acheteur public à connaître le marché sur lequel il projette de lancer un achat, estiment que son officialisation en systématisera la pratique.
Le prix, et après ?
Au rayon des avantages : la rédaction plus précise, et surtout, plus conforme à la réalité du secteur sollicité, du cahier des charges permettant une décision d’achat plus pertinente. Le
sourcing répond, par exemple, à la question cruciale du prix.
Les représentants des entreprises ont fait du « mieux-disant » leur cheval de bataille, pour que le prix proposé par un candidat ne soit pas le principal, si ce n’est le seul critère qui entre dans le choix de l’adjudicateur. En connaissant la rémunération raisonnable d’une prestation donnée, l’adjudicateur peut en effet écarter les offres anormalement basses qui pénalisent les PME.
Le sourcing apporte une pertinence à chaque achat
« Les collectivités craignent toujours de s’éloigner du critère de prix. La connaissance fine de la capacité des opérateurs économiques à répondre aux marchés leur donne des arguments pour fonder leur décision d’achat sur d’autres critères », approuve Gilles Pélouzet, médiateur des entreprises.
Autre atout que peuvent saisir les collectivités soucieuses de favoriser leurs petites entreprises locales : cette connaissance acquise d’un secteur ou d’une activité permet de procéder de façon judicieuse à l’allotissement – l’outil phare pour favoriser les PME.
En fonction du bassin économique, pour un marché de nettoyage, on peut, par exemple, allotir par produit utilisé : les vitres d’un côté, l’intérieur du bâtiment de l’autre.
Partialité envers les candidats
Dans la pratique, deux méthodes de sourçage s’offrent à l’acheteur, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Une manière passive, qui revient à récolter des informations sur un segment d’achat. Et le sourcing actif, dans lequel l’acheteur sollicite des entreprises du secteur pour mieux les connaître.
C’est la seconde méthode qui peut refroidir les responsables de la commande publique. Parce que, si le sourcing n’est pas réglementé, « et heureusement » pour l’avocat spécialiste Franck Lepron, il se doit de respecter la règle fondamentale de la commande publique : l’absence de favoritisme envers un candidat.
L’acheteur doit être très attentif à ne délivrer aucune information sur le marché à l’un des opérateurs économiques consultés sans assurer le même niveau de précision aux autres. Un simple soupçon de partialité suffit à caractériser le délit de prise illégale d’intérêts.
Professionalisation des acheteurs
L’investissement que représente l’embauche d’une personne chargée du sourcing dans une structure publique peut aussi constituer un frein à cette pratique. « Un agent doit être dédié à cette tâche », souligne Alain Bénard, président de l’Association des acheteurs publics (AAP).
Pour Gilles de Bagneux, du Medef, cet investissement peut néanmoins s’avérer rentable sur le long terme pour les collectivités : « C’est une autre réponse à la nécessaire professionnalisation des acheteurs. Nous nous battons contre l’idée que ces derniers peuvent être experts de tous les secteurs. Le sourcing apporte une pertinence à chaque achat. »
Sylvie Fagnart