« L’enjeu réside dans la professionnalisation des acheteurs »
Quelle évolution la nouvelle réforme de la commande publique entraîne-t-elle ?
Simplification, modernisation et accès facilité pour les PME : ces trois objectifs visent à faire des marchés publics un outil au service de l’activité économique. Ce n’est pas une nouveauté, loin de là.
Le juridique prime encore sur la vision économique
La directive de 2004, transposée en droit français dans l’ordonnance de 2005 et le code des marchés publics de 2006, était déjà écrite dans la même veine.
A l’heure actuelle, et notamment pour favoriser l’accès des plus petites entreprises à la commande publique, le droit ne peut plus grand-chose puisqu’il est déjà très avancé en la matière. C’est par les pratiques professionnelles, par la façon de passer les marchés que cet accès sera facilité.
Quels sont dès lors les enjeux ?
Au cours de la période 2014-2017, la réglementation s’est enrichie pour offrir aux acheteurs publics des outils adaptés à la modernité de la vie économique. Un seul exemple : la possibilité de prévoir des clauses de réexamen des contrats en cours d’exécution afin d’éviter la multiplication des avenants.
Mais cette richesse échappe encore à une partie des acteurs. Aujourd’hui, l’enjeu réside dans la professionnalisation des acteurs : elle passe par la multiplication des formations spécialisantes dans les universités, pour former les futurs acheteurs tant aux techniques d’achat qu’aux règles juridiques.
Certaines de ces formations existent déjà. Il faut les démultiplier. Les Instituts régionaux d’administration (IRA), qui forment les fonctionnaires de l’Etat et de la territoriale, doivent aussi inscrire davantage cette matière à leurs programmes.
Par ailleurs, il faut développer la formation continue. A l’université Paris XI où j’enseigne, nous avons, par exemple, développé des sessions de Validation des acquis de l’expérience (VAE).
Constatez-vous un changement de culture chez les acheteurs ?
La primauté du juridique sur la vision économique des marchés perdure dans de nombreuses collectivités. Et malheureusement, le droit et les juristes constituent plutôt des freins qu’ils n’apportent de solutions.
Quand des collectivités sollicitent les conseils de mon cabinet, elles attendent que nous leur présentions des solutions innovantes, rendant la commande publique plus efficiente tout en garantissant un risque zéro de contentieux !
La peur d’un marché mal passé existe donc toujours ?
Oui et c’est tant mieux ! Les élus et les équipes territoriales continuent à craindre les contrôles des chambres régionales des comptes et les conséquences pénales en cas de délit de favoritisme.
La prudence reste de mise et c’est heureux… même si cela peut provoquer des situations de frein et de blocage et empêcher les acheteurs d’innover dans une matière qui en a pour autant plutôt besoin !
Les acheteurs s’autorisent-ils plus de liberté ?
Liberté et donc responsabilité : c’est la vision de l’achat public que porte le législateur. Le sourcing en est un bon exemple. L’acheteur peut rencontrer les entreprises avant même toute procédure. Le droit ne pose aucun cadre à ces échanges.
Les acheteurs doivent éviter de tomber dans ce qui reste évidemment prohibé, comme le délit de favoritisme. Ce nouveau cadre, en leur offrant une plus grande liberté, augmente leur responsabilité.
Propos recueillis par Sylvie Fagnart