Au terme d’un cycle de trente ans, les marchés publics ont fait leur mue
La nouvelle règlementation des marchés publics est entrée en vigueur le 1er avril 2016. L’objectif de cette réforme est double : simplifier la commande publique ainsi que favoriser son accès aux petites entreprises.
En trente ans, le droit de la commande publique s’est considérablement allégé. De textes touffus, stipulant d’innombrables seuils à respecter, adressés presque exclusivement aux collectivités locales françaises, on est passé à des procédures régies par un seuil unique et applicables à tous les acteurs publics, même à ceux de droit privé financés sur fonds publics.
Avec deux mots d’ordre : simplification et attention portée aux petites entreprises. Ces textes, issus de la transposition en droit français de trois directives européennes (2014) sur les marchés publics et les concessions, s’inscrivent dans la droite ligne de la réforme précédente, initiée sur le plan européen en 2004 et concrétisée en France par l’ordonnance du 6 juin 2005.
Les acheteurs publics étaient les seuls à ne pas pouvoir négocier !
Au nom de la simplification, un seul seuil définit désormais l’obligation de publicité et de mise en concurrence : 144 000 euros pour les services de l’Etat et 221 000 euros pour les collectivités.
Pour les marchés dont le montant est inférieur à ces sommes, l’acheteur public est libre d’organiser la procédure comme il l’entend, dans le respect des principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
On parle alors de « marchés à procédure adaptée » (MAPA). Au-delà du seuil, c’est l’ordonnance de 2015 sur les marchés qui s’applique. Simplification donc ; mais une simplification encore méconnue de certaines collectivités : « Parce que, pendant des années, la commande publique a été extrêmement réglementée, l’introduction de la procédure adaptée a constitué un véritable changement. Mais la nature ayant horreur du vide, les collectivités territoriales se sont mises à produire leurs propres règles. Il peut s’agir de bonne gestion mais attention à ne pas faire surgir de nouveaux freins », met en garde Alain Bénard, directeur général adjoint chargé des services à la population de la communauté d’agglomération Roissy Pays de France et président de l’Association des acheteurs publics (AAP).
La crainte du favoritisme
La responsabilisation des acheteurs publics passe également par une extension du champ de la négociation, « alors que jusque-là les contraintes bordant la commande publique étaient pensées pour protéger les acteurs contre eux-mêmes dans la crainte du favoritisme », observe maître Franck Lepron, avocat spécialisé.
La boîte à outils est bien fournie, reste aux acheteurs à s’emparer de toute cette palette de solutions
« Une évolution de bon sens. Jusqu’ici, les acheteurs publics étaient les seuls à ne pas pouvoir négocier ! » Trois outils symbolisent cette évolution : la procédure de dialogue compétitif (en usage depuis 2005), le partenariat d’innovation et le sourcing (lire pp. 16 et 18).
« La boîte à outils est bien fournie, reste aux acheteurs à s’emparer de toute cette palette de solutions », estime Baptiste Vassor, expert Technique et Innovation à l’Union des groupements d’achats publics (UGAP).
Un calendrier serré
Sur le plan juridique, manque toutefois la codification de ces nouveaux textes entrés en vigueur en avril 2016. Elle a été promise dès la publication, en 2015, de l’ordonnance et doit se faire à droit constant (sans nouvelles modifications), martèle la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Economie et des Finances, en charge du dossier.
Publication annoncée pour la fin de cette année 2018. « Le calendrier paraît serré mais la DAJ souhaite s’y tenir», constate Jérôme Michon, professeur en droit des marchés publics et privés à l’Ecole spéciale des travaux publics (ESTP), qui rappelle la longueur des processus : celui entamé au lendemain du vote des directives européennes, en 2014, s’achève seulement en France avec la publication des derniers décrets d’application de l’ordonnance de 2015.
La codification, très attendue des praticiens qui jonglent actuellement entre les textes, présentera aussi la jurisprudence. Reste une question : l’usage sera-t-il respecté, avec une version en deux parties distinctes, législative et réglementaire, ou ce code présentera-t-il un texte unique ? Réponse dans l’ordonnance de codification qui devrait être connue après l’été.
Sylvie Fagnart