Après les évolutions juridiques, place à la pratique !
Les acteurs de la commande publique commencent à s’emparer des nouveaux outils et se préparent à faire le saut dans la dématérialisation.
L’arsenal juridique de la commande publique ayant atteint un point d’équilibre avec les directives de 2014 et leur traduction dans le droit français, deux défis doivent maintenant être relevés. Celui de la dématérialisation, pour commencer.
« C’est le chantier le plus urgent, celui qui nous occupe quotidiennement », approuve Alain Bénard, président de l’Association des acheteurs publics (AAP). Le calendrier corse encore les choses (lire pp. 20-21). Le second enjeu à court terme réside dans la professionnalisation des acheteurs.
Pour la Commission européenne (lire p.13), il ne fait pas de doute que les directives n’atteindront leurs objectifs qu’à travers des professionnels qui maîtrisent la législation et, surtout, les bons leviers pour que l’achat public profite à l’activité économique.
Une logique économique où l’activité prime sur le juridique.
« La boîte à outils est remplie, désormais il faut former de bons bricoleurs », métaphorise Baptiste Vassor, du pôle Innovation de l’Ugap. Au sein de cette centrale d’achats publique, on sait l’importance de la chose.
A la fin des tarifs réglementés pour le gaz et l’électricité, de nombreuses collectivités ont passé des appels d’offres. Sans succès.
En recrutant des énergéticiens spécialistes, l’Ugap a formalisé un contrat intéressant, que n’aurait pas pu obtenir une collectivité seule.
De nombreuses nouveautés introduites par les décrets de la période 2016-2017 nécessitent des acheteurs en prise directe avec la réalité économique de leur territoire et des secteurs d’activité avec lesquels se passent les marchés.
Extension du domaine de la concurrence
Les évolutions législatives de ces vingt dernières années dessinent une extension continue du champ de la mise en concurrence. Comme pour la publicité, ces règles contraignantes n’ont d’abord concerné que les marchés publics au sens strict.
Jusqu’à la loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, qui les imposent alors aux délégations de service public. Désormais, elles s’appliquent aussi aux concessionnaires de plages ou aux aménageurs, via les Zones d’aménagement concerté (ZAC).
Pour Aldo Sevino, avocat spécialiste des marchés publics, associé du cabinet Asea, « la commande publique n’est plus seulement vue comme un ensemble de normes ».
On est entré dans une logique économique où l’activité prime sur la modalité juridique choisie
Quelle que soit la forme juridique du contrat, désormais elle renvoie plus globalement aux échanges entre le public et le privé.
Ainsi, la mise en concurrence pourrait finir par devenir une obligation chaque fois qu’un acteur privé est en position de bénéficier de l’argent public, même s’il ne s’agit pas d’un marché public.
« La façon d’utiliser la commande publique est entrée dans une logique économique où l’activité prime sur la modalité juridique choisie », précise encore maître Sevino. A terme, la vente de terrains publics pourrait donc être assujettie aux mêmes règles.
Unifier la passation des marchés ?
Si la commande publique vit au rythme de cycles de dix ans, le prochain cycle pourrait signer la dilution des notions de marchés publics, de concessions, de baux emphytéotiques et autres formes d’échanges entre la puissance publique et les opérateurs du secteur privé.
Pour se fondre dans un seul ensemble obéissant aux mêmes normes. « On pourrait alors imaginer un code global, qui ne disposerait pas de modalités différentes pour chaque type de contrat », pousse Aldo Sevino.
Sylvie Fagnart