Saint-Pétersbourg renferme le grenier du monde
L’Institut Vavilov abrite un bien commun de l’humanité : la collection de 327 000 échantillons de 2 200 espèces de plantes cultivées, garantis sans OGM ni hybrides F1.
Située à Saint-Pétersbourg, cette banque de semences est la plus ancienne et la quatrième plus importante de la planète. La seule à avoir été créée – en 1894 – bien avant l’utilisation des engrais et pesticides synthétiques.
Nicolaï Vavilov avait compris les dangers liés à l’érosion génétique.
Passé une imposante porte en bois, le silence du vestibule à la vertigineuse hauteur sous plafond enveloppe le visiteur. Un escalier le mène vers un buste à l’effigie de Nicolaï Vavilov qui dirigea ce centre étatique de 1921 à 1940.
115 expéditions dans 64 Etats
Né en 1887, le généticien a mené, avec ses équipes de chercheurs, 115 expéditions dans 64 Etats, enrichissant la collection de cet établissement en semences vivantes de légumes, fruits, céréales et en tubercules.
Aujourd’hui, les sept cents fonctionnaires de l’Institut Vavilov poursuivent sa mission sous la houlette du directeur, Nicolaï Dzyubenko : « Nicolaï Vavilov avait compris, le premier, les dangers liés à l’érosion génétique. »
Selon ce professeur de sciences biologiques, près de 40% de la collection Vavilov date d’avant la Seconde Guerre mondiale, ce qui en fait la banque génétique la plus complète au monde.
« Cette collection, souligne-t-il, appartient à la communauté internationale : les scientifiques peuvent se procurer gratuitement nos semences. »
Des jardins conservatoires Vavilov en France
C’est ainsi que le Centre de ressources de botanique appliquée (CRBA), situé dans la métropole de Lyon, a pu y retrouver des semences de légumes locaux oubliés du fait de l’industrialisation de l’agriculture. Tel le haricot beurre nain du Mont-d’or.
« Tous les échantillons de l’Institut Vavilov sont vivants, explique Sabrina Novak, directrice adjointe au CRBA. Cela implique de les multiplier, les reproduire de manière régulière, par semis, bouture ou greffage, pour conserver des spécimens identiques à leurs originaux. »
Dans cet esprit, le centre a inauguré en 2016 un jardin conservatoire Vavilov à Ecully, près de Lyon. Le premier d’un réseau que les chercheurs souhaitent essaimer dans l’Hexagone.
Une collection d’outre-temps
Trois modes de conservation permettent à l’Institut Vavilov de veiller sur ce trésor. Après vérification de leur capacité germinative, les semences sont préservées dans des boîtes en métal à température ambiante.
Tous les deux à dix ans, en fonction des cultures, des fonctionnaires de l’établissement mettent en terre une partie du stock dans les douze stations d’expérimentation réparties sur le territoire russe.
Les plantes grandissent et de nouvelles graines sont collectées pour être conservées. Autres techniques : la congélation à -10 °C et la cryogénisation à des températures plus que polaires : -185 °C.
L’Institut Vavilov est aussi un centre de recherche. Comme le précise Dmitry Kornyukhin, conservateur : « Mon travail consiste à analyser la productivité des plantes cultivées, leur résistance aux maladies ou leurs qualités gustatives et nutritionnelles. »
A charge aussi pour eux de digitaliser les archives. La bibliothèque, ouverte aux étudiants et aux scientifiques pour leurs recherches, recèle 2 millions d’ouvrages techniques et de fabuleux herbiers. Une collection d’outre-temps, porteuse d’espoir pour l’avenir de l’humanité.
Aude Raux