La Biovallée, un territoire en transition agricole
Bâtir, ensemble, une vallée dans laquelle le développement respecte l’homme sans sacrifier son environnement, telle est l’ambition de la Biovallée. Situé dans la Drôme, ce territoire rural de 54 000 habitants s’étend sur le tiers du département.
Pour la première fois à cette échelle, une large palette d’acteurs – paysans, entrepreneurs, citoyens, élus – tentent de changer de paradigme. Le projet Biovallée est porté par trois communautés de communes (96 communes au total) et a été soutenu financièrement par le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes entre 2009 et 2014.
Son pilier : la bio. Son objectif : une culture sans pesticides ni engrais synthétiques sur 50% de ses surfaces agricoles et, à l’horizon 2020, une restauration collective à 80% bio ou locale.
Déjà plus de 30% de la surface agricole est certifiée en bio
Pour y parvenir, la Biovallée mise, notamment, sur une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. D’où son soutien au développement d’Agri Court, une plateforme associative d’approvisionnement en produits locaux, auprès, par exemple, des restaurants scolaires.
Les politiques n’ont pas fait pousser la Biovallée sur un tas de gravier inerte.
Par ailleurs, des pépinières d’installations agricoles et fermières en bio ont été mises en place pour aider les porteurs de projet.
Autre exemple : des formations sont dispensées aux agriculteurs conventionnels pour leur apprendre à se passer d’engrais et de pesticides de synthèse.
Aujourd’hui, l’utopie semble à portée de main : 32% de la surface agricole utile est certifiée en agriculture biologique et 40% d’aliments biologiques ou locaux sont proposés en restauration collective.
Les pionniers de l’agriculture biologique
Soulignons que le terreau est fertile. Didier Jouve, conseiller régional jusqu’en 2015 et l’un des fondateurs du projet, le reconnaît lui-même : « Si ce programme politique se concrétise, c’est parce que, sur le territoire, un corps social est engagé depuis fort longtemps. C’est lui qui a inspiré cette démarche. Les politiques n’ont pas fait pousser la Biovallée sur un tas de gravier inerte. Nous voulons qu’un projet mené par des pionniers devienne le projet partagé d’un territoire. »
Dès les années 1970, de nombreux néoruraux se sont ainsi « enracinés » dans la Biovallée. Portés par le mouvement du « retour à la terre », ils y ont développé des initiatives écologiques, non seulement dans le secteur agricole, mais aussi dans les domaines de l’écoconstruction, des énergies renouvelables, de la réduction des déchets, ou encore des transports doux.
A quand une « BioFrance » ?
L’histoire de Sjoerd Wartena est emblématique. Arrivé dans la Biovallée en 1973, ce Hollandais a acheté une ferme pour y élever des chèvres et y cultiver des herbes aromatiques. Avec d’autres néoruraux, ils ont permis au village de Vachères-en-Quint, qui était alors un désert rural, de reprendre vie grâce à l’essor, en vingt ans, de cinq fermes biologiques.
Pour essaimer son modèle, Sjoerd Wartena a fondé, en 2003, Terre de Liens. Ce mouvement, devenu national, récolte de l’épargne auprès des citoyens pour acheter des fermes et les louer à des paysans en bio sans terre.
Autres initiatives porteuses d’espoir : l’entreprise Bioline, spécialisée dans l’élevage et la commercialisation d’insectes comme les coccinelles ou les bourdons – les premières étant prédateurs de pucerons et autres ravageurs de plantes, les seconds favorisant la pollinisation.
L’entreprise L’Herbier du Diois propose, quant à elle, plus de 350 plantes aromatiques et médicinales issues de l’agriculture biologique.
Sans oublier le centre agro-écologique Les Amanins, dans lequel sont notamment dispensés des stages d’agro-écologie, où l’on apprend à « se changer pour changer le monde ».
Aude Raux