Le chef breton qui éduque au goût
Philippe Bosser, chef de cuisine en restauration scolaire, Philippe Bosser prépare des repas bio et locaux.
«J’en ai eu ras le bol de réchauffer des plats tout préparés. Je ne suis pas un ouvre-boîte ! Cuisinier, c’est un métier », s’indigne Philippe Bosser. Depuis quinze ans, ce chef de cuisine du restaurant scolaire du collège de Plozévet (Finistère) s’inscrit dans une logique de territoire.
Quelques mois après son arrivée en septembre 2002, cet artisan a commencé par acheter des légumes aux producteurs locaux. En 2005, nouvelle étape : il cuisine un repas 100% bio. « Des élèves, qui avaient vu les carottes arriver, critiquaient : “Il y a plein de terre dessus, c’est sale !”
Les gamins ont perdu l’habitude de la nature. Et puis, beaucoup ont de la famille qui travaille dans l’agriculture conventionnelle. »
Aussi a-t-il opté pour le saupoudrage bio progressif : 80% de ses aliments sont achetés, en circuit court, auprès de 24 producteurs dans un rayon de 30 kilomètres autour du collège, dont 20% sont issus de l’agriculture biologique.
Un cordon-bleu pédagogue
Pour éveiller ses 250 demi-pensionnaires à une alimentation durable, Philippe Bosser a organisé des visites des exploitations agricoles. Il a aussi ouvert les coulisses de son restaurant scolaire aux sixièmes et à leurs parents.
Quant aux 16 jeunes internes du collège, ils ont participé à tour de rôle, le mercredi, à la préparation de leur dîner. « La difficulté, c’est de trouver l’équilibre entre plaisir et santé. Une fois par semaine, j’achète du poisson aux viviers d’Audierne. C’est le jour où il y a le plus de déchets ».
Quid du poisson pané ? La moutarde lui monte au nez : « Ce n’est pas de l’éducation au goût, ça ! » Heureusement, la plupart sont devenus de fins gourmets.
A qualité égale, le coût du plateau-repas revient à 10 centimes de plus.
Du haut de ses 12 ans, Oriane témoigne : « C’est mieux de savoir que tout est préparé au collège. Sinon, il y a sûrement des colorants et des conservateurs. »
Échapper au moule industriel
Au final, grâce à ce fait-maison et à une lutte coriace contre le gaspillage alimentaire, l’addition n’est pas salée : les déchets s’élèvent à 53 grammes par plateau et par élève, contre 150 g au niveau national.
A qualité égale, le coût du plateau-repas revient à 10 centimes de plus que si Philippe Bosser se fournissait chez les grossistes. Une différence prise en charge par le collège pour démocratiser l’accès à une alimentation de qualité. Une autre économie est réalisée via les repas végétariens, servis deux fois par mois.
Enfin, le réseau qu’il a patiemment tissé lui permet d’acheter désormais en direct pommes, légumes, poisson, fromage, lait, farine, viande. Et ses fournisseurs, qu’il connaît bien, lui donnent souvent du rab.
Un modèle pour le conseil départemental
Pour l’aider à éplucher, émincer et mijoter, l’emploi du temps des agents techniques a été réaménagé et le conseil départemental du Finistère a créé en 2012 un emploi de second de cuisine.
S’inspirant de cette expérience, la collectivité territoriale va mettre en ligne une plateforme recensant les producteurs locaux pour que les chefs de cuisine se mettent directement en lien avec eux.
A la rentrée scolaire 2017, Philippe Bosser a choisi d’éveiller les papilles des plus jeunes. Désormais chef de cuisine de l’école primaire Les Ajoncs, à Plouhinec, une commune mitoyenne, il continue de travailler avec son réseau.
Ses 150 demi-pensionnaires, habitués aux plats industriels ont d’abord fait la soupe à la grimace avant d’être retournés comme des crêpes par ses talents culinaires !
Aude Raux