Veolia mise sur le micro-maraîchage urbain bio-intensif
Comment nourrir durablement plus de 9 milliards d’individus en 2050 ?
Tout l’enjeu consiste à rapprocher la production de la consommation. Quand on se projette dans une ère décarbonée, il est fondamental de créer de nouveaux systèmes de production agricole au cœur même des villes.
Pour autant, il ne s’agit pas d’opposer les trois modèles : les grandes cultures, l’agriculture périurbaine et urbaine sont complémentaires.
Votre groupe travaille-t-il l’agriculture urbaine bio ?
Veolia a lancé un projet pilote de micro-maraîchage urbain bio-intensif dans l’enceinte du Marché d’intérêt national (MIN) de Lomme. Située dans la métropole de Lille, cette parcelle de 6 000 mètres carrés, inutilisée depuis trente ans, est cultivée suivant les principes de la permaculture.
Nous avons planté pas moins de 420 variétés différentes. Le micro-maraîchage bio-intensif a, notamment, été mis en œuvre pendant la deuxième partie du XIXe siècle à Paris. La capitale était alors autosuffisante en fruits et légumes.
A cause de la forte pression foncière, les maraîchers avaient développé des cultures intensives sur des surfaces très réduites. La concentration était ainsi très élevée et, grâce à l’association de différentes cultures, les rendements étaient optimums.
Serait-ce le retour du « bon sens paysan » ?
Certains qualifient cette approche d’agriculture de l’intelligence, par opposition à l’agriculture de l’énergie, telle que pratiquée depuis les années 1950. L’un des pionniers de la micro-agriculture biologique à haute productivité, l’Américain Eliot Coleman, s’inspire de ces pratiques parisiennes en les modernisant.
Stockage du carbone, biodiversité, production de qualité.
Son approche globale est particulièrement innovante, car elle repose sur l’observation de la microbiologie du sol et d’un écosystème équilibré propice à la biodiversité.
C’est un changement radical de philosophie : il s’agit ainsi de « nourrir » le sol avec de la matière organique, via du compost, et non plus les plantes avec des nutriments de synthèse. Cela implique aussi un travail manuel et méticuleux du sol pour préserver la microfaune, déterminante à sa fertilité.
Quels sont les obstacles de ce modèle agricole urbain ?
Concernant la pollution de l’air en ville, une étude signée AgroParis Tech conclut qu’il suffit de laver les récoltes à l’eau claire pour enlever les particules fines. La principale barrière, inhérente à toutes les exploitations de petite taille, tient à la solidité économique de ce modèle encore fragile.
Il faut trouver des leviers pour le dupliquer dans des conditions de travail acceptables. Les « paysans du futur », comme les appelle Eliot Coleman, travaillent au-delà des 35 heures hebdomadaires. L’autre frein concerne l’accès à la connaissance du micro-maraîchage bio-intensif : à la fois des sols, des écosystèmes et des pratiques agricoles, tous très complexes.
Pour notre projet pilote, nous nous sommes basés sur les recherches scientifiques menées, notamment, par AgroParis Tech, à la Ferme du Bec Hellouin (Eure). Cette exploitation démontre qu’il est possible d’obtenir une production équivalente à une exploitation classique sur une surface dix fois inférieure.
Outre une production de très grande qualité, et sans externalités négatives, les chercheurs ont observé une multitude d’autres services, comme l’hébergement d’une biodiversité d’une rare richesse ou encore un niveau élevé de stockage de carbone.
Propos recueillis par Aude Raux